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Guichard-Joseph du Verney naquit à Feurs en Forez, le 5 août 1648 de Jacques du Verney, médecin de la même ville, et d’Antoinette Pittre. Ses classes faites, il étudia en médecine à Avignon pendant cinq ans, et en partit en pour venir à Paris on il se sentait appelé par ses talents.
A peine arrivé dans cette grande ville, il alla chez le fameux abbé Bourdelot , qui tenait des conférences de gens de lettres de toutes les espèces. Il leur fit une anatomie du cerveau, et d’autres ensuite chez M. Denys, savant médecin où l’on s’assemblait aussi. Il démontrait ce qui avait été découvert par Sténon , Swammerdam , Graaf , et les autres grands anatomistes et il eut bientôt une réputation.
Outre ses connaissances, déjà grandes et rares par rapport à son âge, ce qui contribua beaucoup à le mettre promptement en vogue, ce fut l’éloquence avec laquelle il parlait sur ces matières. Cette éloquence n’était pas seulement de la clarté, de la justesse, de l’ordre, toutes les perfections froides que demandent les sujets dogmatiques, c’était un feu dans les expressions, dans les tours, et jusques dans la prononciation, qui aurait presque suffi à un orateur. Il n’eut pas pu annoncer indifféremment la découverte d’un vaisseau, ou un nouvel usage d’une partie ; ses yeux en brillaient de joie, et toute sa personne s’animait. Cette chaleur ou se communique aux auditeurs, ou du moins les préserve d’une langueur involontaire qui aurait pu les gagner. On peut ajouter qu’il était jeune et d’une figure assez agréable. Ces petites circonstances n’auront lieu, si l’on veut, qu’à l’égard d’un [p. 124] certain nombre de dames, qui furent elles-mêmes curieuses de l’entendre.
A mesure qu’il parvenait à être plus à la mode, il y mettait l’anatomie, qui, renfermée jusque-là dans les écoles de médecine, ou à Saint-Côme, osa se produire dans le beau monde, présentée de sa main. Je me souviens d’avoir vu des gens de ce monde là qui portaient sur eux des pièces sèches préparées par lui, pour avoir le plaisir de les montrer dans les compagnies surtout celles qui appartenaient aux sujets les plus intéressants. Les sciences ne demandent pas à conquérir l’univers ; elles ne le peuvent ni ne le doivent elles sont à leur plus haut point de gloire quand ceux qui ne s’y attachent pas les connaissent assez pour en sentir le prix et l’importance.
Il entra en 1676 dans l’Académie, qui ne comptait encore que 10 années depuis son établissement. On crut réparer par lui la perte que la compagnie avait faite de Mrs Gayent et Pecquet , tous deux habiles anatomistes, mais le dernier plus fameux par la découverte du réservoir du chyle, et du canal thoracique. Du caractère dont était du Verney , il n’avait pas besoin de grands motifs pour prendre beaucoup d’ardeur. Il se mit à travailler à l’histoire naturelle des animaux, qui faisait alors une partie des occupations de l’Académie et il tient beaucoup de place, dans l’histoire latine de M. du Hamel .
Quand ceux qui étaient chargés de l’éducation du dauphin, aïeul du roi, songèrent à lui donner des connaissances de physique, on fit l’honneur à l’Académie de tirer de son corps ceux qui auraient cette fonction et ce furent M. Roëmer pour les expériences générales, et du M. Verney pour l’anatomie. Celui-ci préparait les parties à Paris, et les transportait à Saint-Germain ou à Versailles. Là, il trouvait un auditoire redoutable ; le dauphin environné de M. le duc de Montausier , de M. l’évêque de Meaux, de M. Huet , depuis évêque d’Avranches, de M. Cordemoy , qui tous, en ne comptant pour rien les titres, quoiqu’ils [p. 125] fassent toujours leur impression, étaient fort savants, et fort capables de juger même de ce qui leur eût été nouveau. Les démonstrations d’anatomie réussirent si bien auprès du jeune prince, qu’il offrit quelquefois de ne point aller à la chasse si on les lui pouvait continuer après son dîner.
Ce qui avait été fait chez lui, se recommençait chez M. de Meaux avec plus d’étendue et de détail. Il s’y assemblait de nouveaux auditeurs, tels que M. le duc de Chevreuse , le P[ère] de la Chaise , M. Dodart , tous ceux que leur goût y attirait, et qui se sentaient dignes d’y paraître. M. du Verney fut de cette sorte pendant près d’un an l’anatomiste des courtisans, connu de tous, et presque ami de ceux qui avaient le plus de mérite. Ses succès de Paris l’avaient porté à la cour, et il en revint a Paris avec ce je ne sais quoi de plus brillant que donnent les succès de la cour.
Les fatigues de son métier, très pénible par lui-même et plus pénible pour lui que pour tout autre lui causèrent un mal de poitrine si violent, qu’on lui crut un ulcère au poumon. Il en revint cependant, bien résolu à se ménager davantage à l’avenir. Mais comment exécuter cette résolution ? Comment résister à mille choses qui s’offraient, et qui forçaient ses regards et ses recherches à se tourner de leur côté ? Comment leur refuser ses nuits, même après les jours entiers ? Souvent l’anatomie ne souffre pas de délais ; mais quand elle en eût souffert, en pouvait-il prendre ?
En 1679, il fut nommé professeur d’anatomie au jardin royal, et il alla en Basse-Bretagne pour y faire des dissections de poissons, envoyé dans cette vue avec M. de la Hire , qui devait avoir d’autres occupations. Ils furent envoyés tous deux l’année suivante sur la cote de Bayonne pour les mêmes desseins. Il entra dans une anatomie toute nouvelle mais il ne put qu’ébaucher la matière ; et depuis son retour la seule structure des ouïes de la carpe lui coûta plus de temps que tous les poissons qu’il avait étudiés dans ses deux voyages.
Il mit les exercices anatomiques du Jardin royal sur un [p. 126] pied où ils n’avaient pas encore été. On vit avec étonnement la foule d’écoliers qui s’y rendaient, et on compta en une année jusqu’à 140 étrangers. Plusieurs d’entre eux, retournés dans leur pays, ont été de grands médecins, de grands chirurgiens, et ils ont semé dans toute l’Europe le nom et les louanges de leur maître. Sans doute ils ont souvent fait valoir son autorité, et se sont servis du fameux il l’a dit. Nous avons rapporté dans l’éloge de M. Lémery 1 qu’il faisait ici en même temps des cours de chimie avec le même éclat. Une nation qui aurait pris sur les autres une certaine supériorité dans les sciences, s’apercevrait bientôt que cette gloire ne serait pas stérile, et qu’il lui en reviendrait des avantages aussi réels que d’une marchandise nécessaire et précieuse, dont elle ferait seule le commerce.
Il publia en 1683 son Traité de l’origine de l’ouïe qui fut traduit en latin dès l’année suivante, et imprimé à Nuremberg. Cette traduction a été insérée dans la bibliothèque anatomique de Manget . On sera surpris que ce soit là le seul qu’ait donné M. du Verney , vu le long temps qu’il a vécu depuis ; mais quand on le connaîtra bien, on sera surpris au contraire qu’il l’ait donné. Jamais il ne se contentait pleinement sur un sujet, et ceux qui ont quelque idée de la nature le lui pardonneront. Il faisait d’une partie qu’il examinait toutes les coupes différentes qu’il pouvait imaginer pour la voir de tous les sens, il employait toutes les injections ; et cela demande déjà un temps infini, ne fut-ce qu’en tentatives inutiles. Mais il arrivait ce qui arrive presque toujours, des discussions poussées dans un grand détail elles ne lèvent guère une difficulté sans en faire naître une autre ; cette nouvelle difficulté qu’on veut suivre, produit aussi sa difficulté incidente, et on se trouve engagé dans un labyrinthe. De plus, un premier travail qui aurait voulu être continué, est interrompu par un autre que quelques circonstances ou si l’on veut, la simple curiosité, rendent indispensable. Une connaissance acquise comme par hasard, aura une espèce d’effet rétroactif, qui détruira ou modifiera [p. 127] beaucoup des connaissances précédentes qu’on croyait absolument sûres. Ajoutez à ce fonds d’embarras que produit la nature de l’anatomie, une peur de se méprendre, une frayeur des jugements du public, qui ne peut guère être excessive, et l’on concevra sans peine qu’un très habile anatomiste peut n’avoir pas imprimé. Il faut pourtant avouer qu’un trop grand amour de la perfection, ou une trop grande délicatesse de gloire, feront perdre au public une infinité de vues et d’idées, qui, pour être d’une certaine utilité, n’auraient pas eu besoin d’une entière certitude, ou d’une précision parfaite.
M. du Verney fut assez longtemps le seul anatomiste de l’Académie, et ce ne fut qu’en 1684 qu’on lui joignit M. Méry 2 . Ils n’avaient rien de commun qu’une extrême passion pour la même science et beaucoup de capacité ; du reste presque entièrement opposés, surtout à l’égard des talents extérieurs. Si l’on pouvait quelquefois craindre que par le don de la parole M. du Verney n’eût la facilité de tourner les faits selon ses idées on était sûr que M. Méry ne pouvait que se renfermer dans une sévère exactitude des faits, et que l’un eût tenu en respect l’éloquence de l’autre. Le grand avantage des compagnies résulte de cet équilibre des caractères. On remarqua que M. du Verney prit un nouveau feu par cette espèce de rivalité. Elle n’éclata jamais davantage que dans la fameuse question de la circulation du sang du fœtus dont nous avons tant parlé. Elle le conduisit à examiner d’autres sujets qui pouvaient y avoir rapport, la circulation dans les amphibies, tels que la grenouille ; car le fœtus, qui vit d’abord sans respirer l’air, et ensuite en le respirant, est une espèce d’amphibie. Ceux-là le conduisaient à d’autres animaux approchants, sans être amphibies, comme le crapaud ; et enfin aux insectes, qui font un genre à part, et offrent un spectacle tout nouveau.
Aussi excellait-il dans l’anatomie comparée, qui est l’anatomie prise le plus en grand qu’il soit possible, et dans une étendue où peu de gens la peuvent embrasser. Il est vrai que pour nous, et pour nos besoins, la structure du corps humain [p. 128] paraîtrait suffire ; mais on le connaît mieux quand on connaît aussi toutes les autres machines faites à peu près sur le même dessin. Après celles-là, il s’en présente d’autres d’un dessin fort différent, il y aura moins d’utilité à les étudier à cause de la grande différence ; mais par cette raison là même la curiosité sera plus piquée, et la curiosité n’a-t-elle pas ses besoins ?
Dans les premiers temps de ses exercices du Jardin royal, il faisait et les démonstrations des parties qu’il avait préparées, et les discours qui expliquaient les usages, les maladies, les cures, et résolvaient les difficultés. Mais sa faiblesse de poitrine, qui se faisait toujours sentir, ne lui permit pas de conserver les deux fonctions à la fois. Un habile chirurgien choisi par lui, faisait sous lui les démonstrations, et il ne lui restait plus que les discours dans lesquels il avait de la peine à se renfermer. C’est lui qui a le premier enseigné en ce lieu-là l’ostéologie et les maladies des os.
De son cabinet, où il avait étudié des cadavres ou des squelettes, il allait dans les hôpitaux de Paris où il étudiait ceux dont les maux avaient rapport à l’anatomie. Si la machine du corps disséquée et démontrée présente encore tant d’énigmes très difficiles et très obscures, à plus forte raison la machine vivante, où tout est sans comparaison moins exposé à la vue, plus enveloppé, plus équivoque. C’était là qu’il appliquait sa théorie aux faits et qu’il apprenait même ce que la seule théorie ne lui eût pas appris. En même temps il était d’un grand secours, et aux malades, et à ceux qui en étaient chargés. Quoiqu’il fût docteur en médecine, il évitait de s’engager dans aucune pratique de médecine ordinaire, quelque honorable, quelque utile qu’elle pût être, il prévoyait qu’un cas rare de chirurgie, une opération singulière, lui aurait causé une distraction indispensable ; et il s’acquittait assez envers le public de son devoir de médecin non seulement par les instructions générales qu’il donnait sur toute l’anatomie, mais par l’utilité dont il était dans les occasions particulières.
[p. 129] Loin d’avoir rien à se reprocher sur cet article, il ne se reprochait que d’être trop occupé de sa profession. Il craignait que la religion dont il avait un sentiment très vif, ne lui permit pas un si violent attachement, qui s’emparait de toutes ses pensées et de tout son temps. L’auteur de la nature qu’il admirait et révérait sans cesse dans ses ouvrages si bien connus de lui, ne lui paraissait pas suffisamment honoré par ce culte savant, toujours cependant accompagné du culte ordinaire le plus régulier. L’âge qui s’avançait, les infirmités qui augmentaient, contribuaient peut-être à ce scrupule, sans lui donner pourtant le pouvoir de s’y livrer entièrement.
Les mêmes raisons l’empêchèrent pendant plusieurs années de paraître à l’Académie. Il demanda à être vétéran, et sa place fut remplie par M. Petit , docteur eu médecine. Il paraissait avoir oublié l’Académie, lorsque tout d’un coup il se réveilla à l’occasion de la réimpression de l’histoire naturelle des animaux, à laquelle il avait eu anciennement beaucoup de part. Il reprit à 80 ans des forces, de la jeunesse, pour revenir dans nos assemblées où il parla avec toute la vivacité qu’on lui avait connue, et qu’on n’attendait plus. Une grande passion est une espèce d’âme immortelle à sa manière, et presque indépendante des organes.
Il ne perdait aucun des intervalles que lui laissaient des souffrances qui redoublaient toujours, et qui le mirent plusieurs fois au bord du tombeau. Il revoyait avec M. Vinslow son traité de l’oreille, dont il voulait donner une seconde édition, que se serait bien sentie des acquisitions postérieures. II avait entrepris un ouvrage sur les insectes, qui l’obligeait à des soins très pénibles. Malgré son grand âge, par exemple, il passait des nuits dans les endroits les plus humides du jardin, couché sur le ventre, sans oser faire aucun mouvement, pour découvrir les allures, la conduite des limaçons, qui semblent en vouloir faire un secret impénétrable. Sa santé en souffrait, mais il aurait encore plus souffert de rien négliger. Il mourut le 10 septembre 1730, âgé de 82 ans.
[p. 130] Il était en commerce avec les plus grands anatomistes de son temps, Malpighi , Ruysch , Pitcarne, Bidloo , Boerhaave. J’ai vu les lettres qu’il en avait reçues ; et je ne puis m’empêcher d’en traduire ici une de Pitcarne, écrite en latin, datée de l’an 1712, à cause de son caractère singulier.
Très illustre du Verney, voici ce que t’écrit un homme qui te doit beaucoup, et qui te rend grâces de ces discours divins, qu’il a entendus de toi à Paris, il y a 30 ans. Je te recommande Thomson mon ami, et ecossais. Je t’enverrai bientôt mes Dissertations où je résoudrai ce problème. Une maladie étant donnée, trouver le remède. A Edimbourg, etc. Celui qui s’élevait à de pareils problèmes, et dont effectivement le nom est devenu si célèbre, se faisait honneur de se reconnaître pour disciple de M. du Verney . On voit de plus par des lettres de 1698 que lui qui aurait pu instruire parfaitement dans l’anatomie un frère qu’il avait, il l’envoyait d’Angleterre à Paris, pour y étudier sous le plus grand maître.
En général, il paraît par toutes ces lettres, que la réputation de M. du Verney était très brillante chez les étrangers non seulement par la haute idée qu’ils remportaient de sa capacité, mais par la reconnaissance qu’ils lui devaient de ses manières obligeantes de l’intérêt qu’il prenait à leurs progrès, de l’affection dont il animait ses leçons. Ceux qui lui adressaient de nouveaux disciples, ne lui demandaient pour eux que ce qu’ils avaient éprouvé eux-mêmes. Ils disent tous que son traité de l’ouïe leur a donné une envie extrême de voir les traités des quatre autres sens qu’il avait promis dans celui-là. Ils l’exhortent souvent à faire part à tout le public de ses richesses, qu’il ne peut plus tenir cachées après les avoir laissé apercevoir dans ses discours du Jardin royal. Ils le menacent du péril de se les voir enlever par des gens peu scrupuleux et on lui cite même un exemple où l’on croit le cas déjà arrivé ; mais il a toujours été ou peu sensible à ce malheur, ou trop irrésolu à force de savoir.
On lui donne assez souvent dans ces lettres une première [p. 131] place entre tous les anatomistes. Il est vrai que dans ce qu’on écrit à un homme illustre, il y entre d’ordinaire du compliment ; on peut mettre à un haut rang celui qui n’est pas à un rang fort haut ; mais on n’ose pas mettre au premier rang celui qui n’y est pas : la louange est trop déterminée et on ne pourrait sauver l’honneur de son jugement.
Il est du devoir de l’Académie de publier un bienfait qu’elle a reçu de lui. Il lui a légué par son testament toutes ses préparations anatomiques, qui sont et en grand nombre, et de la perfection qu’on peut imaginer. Cela joint à tous les squelettes d’animaux rares que la Compagnie a depuis longtemps dans une salle du Jardin royal, composera un grand cabinet d’anatomie, moins estimable encore par la curiosité que par l’utilité dont il sera dans les recherches de ce genre.
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Guillaume Delisle naquit à Paris, le dernier février 1675, de Claude Delisle , homme très célèbre par sa grande connaissance de l’histoire et de la géographie, et qui les enseignait dans Paris avec beaucoup de succès à tous ceux qui, faute de loisir, ou pour s’épargner de la peine, ou pour aller plus vite, avaient besoin d’un maître. Tous les jeunes seigneurs de son temps, et heureusement son temps a été très long, ont appris de lui. Feu M. le duc d’Orléans fut son disciple ; et comme il se connaissait dès lors en hommes, il conserva toujours pour lui une bienveillance particulière. M. Delisle n’était pas de ces maîtres ordinaires, qui n’en savent qu’autant qu’il faut pour débiter à un écolier ce qu’il ne savait pas ; il possédait à fond les sciences dont il faisait profession, et je l’ai assez connu pour assurer que la candeur de son caractère était telle, qu’il n’eût osé enseigner ce qu’il n’eut su que superficiellement.
Le père reconnut bientôt dans son fils toutes les dispositions qu’il pouvait souhaiter et il était impossible que l’éducation manquât à la nature. M. Delisle presque enfant, à l’âge de 8 ou 9 ans, avait déjà dressé et dessiné lui-même sur l’histoire ancienne des cartes que M. Fréret a vues, car il est bon d’avoir pour cette espèce de prodige un témoin illustre par une grande érudition. Ce fut vers la géographie que M. Delisle tourna toutes ses études, déterminé de ce côté-là par son inclination, aidé de toutes les connaissances, et conduit avec toute l’affection d’un père.
Communément on n’a guère d’idée de ce que c’est qu’une carte géographique, et de la manière dont elle se fait. Pour peu qu’on lise, on voit assez la différence d’une histoire à [p. 76] une autre du même sujet, et on juge les historiens mais on ne regarde pas de si près à des cartes de géographie, on ne les compare point, on croit assez qu’elles sont toutes à peu, près la même chose, que les modernes ne sont qu’une répétition des anciennes et si dans l’usage on en préfère quelques unes, c’est sur la foi d’une réputation dont on n’a pas examiné les fondements. Les besoins ordinaires ne demandent pas dans les cartes une grande exactitude. Il est vrai que pour celles qui appartiennent à la navigation, il en faut une qui ne peut être trop parfaite mais il n’y a que les navigateurs qui sentent cette nécessité, il y va de leur vie.
Si lorsqu’un géographe entreprend de faire une carte de l’Europe, par exemple, il avait devant lui un gros recueil d’observations astronomiques bien exactes de la longitude et de la latitude de chaque lieu, la carte serait bientôt faite ; tout viendrait s’y placer de soi-même à l’intersection d’un méridien et d’un parallèle connus. Jamais cette carte n’aurait besoin de correction à moins qu’il n’arrivât des changements physiques, qu’elle ne garantissait pas. Mais on a jusqu’ici très peu d’observations des longitudes des lieux. On ne peut guère en avoir que depuis que feu M. Cassini a calculé les mouvements des satellites de Jupiter, et que l’on observe à l’Académie des éclipses fixes par les planètes ; car avant cela on n’avait pour les longitudes que des éclipses de lune, qui sont rares, qui jusqu’à l’invention des lunettes n’étaient pas assez bien observées, et qui même encore aujourd’hui ne donnent pas aisément des déterminations assez précises. On a toujours pu observer les latitudes, et les observations pourraient être en grande quantité ; mais il faut des observateurs, et il n’y en a que depuis environ deux cents ans, et en très petit nombre, semés dans quelques villes principales de l’Europe. On n’a donc pour la carte qu’on en ferait que quelques points déterminés sûrement par observation astronomique ; et où prendre tous les autres en nombre infini ? On ne peut avoir recours qu’aux mesures itinéraires, aux distances des lieux, répandues en une infinité d’histoires, de [p. 77] voyages, de relations, d’écrits de toutes espèces, mais peu exactement ; et, ce qui est encore pis, différemment presque dans tous. Il faut peser l’autorité de cette multitude de différents titres, et on ne le peut qu’avec le secours de beaucoup d’autres connaissances subsidiaires ; il faut accorder les contradictions qui ne sont qu’apparentes ; il faut faire un choix bien raisonné, quand elles sont réelles. Enfin les mesures comme les lieues, qui varient tant, non seulement d’un état à un autre, mais d’un petit pays du même état à un autre voisin, doivent être si bien connues du géographe qu’il les puisse comparer toutes entre elles, et les rapporter à une mesure commune, telle que la lieue commune de France. Tout cela est d’un détail immense, et capable de lasser la patience la plus opiniâtre. On ne plaindrait pas ceux qui emploieraient autant de temps et de travail à quelque théorie brillante, et peut-être inutile, ils seraient récompensés et par le plaisir de la production, et par un certain éclat qui frapperait le public.
Les parties des cartes qui représentent les mers, ou seulement les côtes, ont encore leurs difficultés particulières. On ne peut trop ramasser trop comparer de journaux de pilotes et de routiers ; les distances y sont marquées selon les rumbs de vents, auxquels on ne peut se fier s’ils ont été pris sans la boussole, et qu’il faut corriger si la variation de l’aiguille n’a pas été alors connue, ou ne l’a pas été exactement. Quelle ennuyeuse et fatigante discussion ! Il faut être bien né géographe pour s’y engager.
Aussi n’avait-on pas pris jusqu’à présent toutes les peines nécessaires, et peut-être ne savait-on pas même assez bien toutes celles qu’il y avait à prendre. Nicolas Sanson a été dans le siècle passé le plus fameux de nos géographes ; cette science lui doit beaucoup cependant ses cartes étaient fort imparfaites, soit par la faute de son siècle, soit par la sienne. Il n’avait pas encore assez d’observations, et il n’avait pas assez approfondi ni assez recherché. Lorsque le temps amena de nouvelles connaissances, il aima mieux les négliger [p. 78] que de corriger ses premiers ouvrages par les derniers et de mettre entre eux une discordance qui le blessait. La source de son Nil fut toujours sous le tropique du Capricorne, à 35 degrés de distance de sa véritable position, parce qu’il en avait cru Ptolémée qui en avait juge ainsi. Sa Chine, sa Tartarie, sa terre d’Yeço s’obstinaient à demeurer mal placées et mal disposées contre le témoignage de relations indubitables.
M. Delisle vint dans le temps où tout semblait annoncer que la géographie allait changer de face. Le zèle de la religion et l’amour des richesses, principes bien opposés, s’accordaient à augmenter tous les jours le nombre des découvertes dans les climats lointains et l’astronomie, beaucoup plus parfaite que jamais, fournissait de nouveau les longitudes par les satellites de Jupiter, d’autant plus sûrement que les lieux étaient plus éloignés. Plusieurs points de la Terre prenaient enfin des places qu’ils ne pouvaient plus perdre, et auxquelles les autres devaient s’assujettir.
A la fin de 1699, M. Delisle , âgé de 25 ans, donna ses premiers ouvrages ; une mappemonde, quatre cartes des quatre parties de la Terre, et deux globes, l’un céleste, l’autre terrestre, dédiés à S. A. R. feu M. le duc d’Orléans le tout, et principalement les globes, avaient été faits sous les yeux et sous la direction de feu M. Cassini , ce qui seul aurait répondu de la bonté et de l’exactitude du travail.
L’ouverture du siècle présent se fit donc à l’égard de la géographie par une terre presque nouvelle que M. Delisle présenta. La Méditerranée, cette mer si connue de tout temps par les nations les plus savantes, toujours couverte de leurs vaisseaux, traversée de tous tes sens possibles par une infinité de navigateurs, n’avait que 860 lieues d’Occident en Orient, au lieu de 1160 qu’on lui donnait ; erreur presque incroyable. L’Asie était pareillement raccourcie de 500 lieues ; la position de la terre d'Yeço changée de 1700. Une infinité d’autres corrections moins frappantes et moins sensibles ne surprenaient que les yeux savants ; encore M. [p. 79] Delisle avait-il jugé à propos de respecter jusqu’à un certain point les préjugés établis, et de n’user pas à toute rigueur du droit que lui donnaient ses découvertes tant le faux s’attire d’égards par cette ancienne possession où il se trouve toujours.
Les globes et les cartes eurent une approbation générale, et un homme qui avait le titre de géographe du roi, voulut en partager le fruit par une mappemonde en quatre feuilles qu’il publia aussitôt après, fort semblable à ce qui venait de paraître. M. Delisle , muni d’un privilège, se plaignit en justice d’avoir été entièrement copié à l’exception des fautes qu’on avait mises dans la nouvelle mappemonde, ou par ignorance ou pour déguiser le larcin. Le conseil d’état privé du roi nomma deux experts en cette matière, ou il y en a peu, feu M. Sauveur , et M. Chevalier, tous deux de cette Académie. Le détail de l’exactitude scrupuleuse qu’ils apportèrent à cette affaire est imprimé ils se convainquirent parfaitement que l’adversaire de M. Delisle était un plagiaire. L’arrêt du conseil fut conforme à leur avis, mais le procès dura six ans. M. Delisle perdit à s’assurer ce qui lui était dû, une grande partie de ces six années, qu’il eût employées entières à s’enrichir utilement pour le public. Il usa généreusement de sa victoire, il avait droit par l’arrêt de faire casser les planches du géographe condamné il lui en laissa tout ce qui n’appartenait pas précisément à la géographie des ornements assez agréables, des cartouches recherchés, qui pouvaient faire ailleurs l’effet de prévenir et d’amuser les yeux de la plupart du monde.
La Méditerranée, plus courte de plus d’un quart qu’on ne l’avait cru jusque-la, avait fort étonné, et quelques uns ne se rendaient pas encore aux observations astronomiques. M. Delisle , pour ne laisser aucun doute, entreprit de mesurer toute cette mer, en détail et par parties, sans employer ces observations, mais seulement les portulans et les journaux de pilotes, tant de routes faites de cap en cap en suivant les terres, que de celles qui traversaient d’un bout [p. 80] à l’autre ; et tout cela évalué avec toutes les précautions nécessaires réduit et mis ensemble, s’accordait à donner à la Méditerranée la même étendue que les observations astronomiques dont on voulait se défier.
Il devait publier une Introduction à la géographie dans laquelle il eût rendu compte de tous les changements dont il était auteur. Il ne l’a point publiée, occupé par d’autres travaux, et cependant on s’était accoutumé peu à peu à prendre en lui une confiance qui eût pu le dispenser de ce grand appareil de preuves. Il est vrai qu’en plusieurs occasions particulières il en avait donné qui marquaient tant de capacité et d’exactitude, tout ce qui sortait de ses mains était si bien d’accord avec ce qui en était déjà sorti, que cette confiance du public ne pouvait passer pour une grâce.
Peut-être penserait-on que l’extrême difficulté des discussions géographiques, et le peu d’apparence que des critiques s’y embarquent, donnent à un géographe une liberté assez ample de régler bien des choses à son gré. Mais sur les matières les moins maniées par le gros des savants, il y a toujours, du moins si on prend toute l’Europe, un petit nombre de gens à craindre, et qui n’attendent qu’un sujet de censure, même léger. D’ailleurs un véritable savant prend un amour pour l’objet perpétuel de ses recherches, et se fait à cet égard une conscience qui ne lui permet pas d’imposer. On pouvait compter que M. Delisle était singulièrement dans cette disposition, il avait la candeur de son père.
Des mappemondes, des cartes générales de l’Europe, de l’Asie de l’Afrique, de l’Amérique, ne sont que des ébauches de la représentation de la Terre. Les cartes particulières demandent une nouvelle étude, et une étude d’autant plus pénible qu’elles sont plus particulières. L’objet croit toujours à mesure qu’il est regardé de plus près, et il y faut voir ce qu’on n’y considérait pas auparavant. Le nombre des matériaux nécessaires devient toujours plus accablant pour le géographe ; et s’il se pique de précision, tous ceux qu’il peut recouvrer lui sont nécessaires.
[p. 81] Encore une difficulté qui n’appartient guère qu’à la géographie, c’est d’être fort changeante. Je ne parle pas des changements physiques, ils sont peu considérables. Que les mers s’éloignent de leurs rivages, ou gagnent sur les terres, que de grandes rivières se fassent d’autres embouchures, qu’il naisse de nouvelles îles, un médiocre savoir embrasse sans peine ce petit nombre d’événements rares ; mais les limites civiles des royaumes, des provinces, des gouvernements, des diocèses, sont sujettes à de grandes variations dans certains intervalles de temps, et de plus la langue de la géographie change presque absolument tout prend de nouveaux noms, et c’est malheureusement dans les siècles les plus ténébreux, les plus dépourvus de bons auteurs. Il n’y a personne qui n’en sache un petit nombre d’exemples mais qu’est-ce que ce petit nombre, en comparaison de ce qu’un géographe en doit savoir ? Les conquêtes des Barbares du nord dans l’Europe, celles des Arabes et des Tartares dans l’Asie, défigurèrent les anciens noms, ou les effacèrent, et leur en substituèrent d’autres ; et Ptolémée ne reconnaitrait qu’à peine aujourd’hui sur nos cartes l’empire Romain.
M. Delisle a embrassé la géographie dans toute son étendue il l’a suivie dans toutes ses branches, et l’a prouvé au public par des cartes de toutes les espèces, qui sont au nombre de 90. Nous en indiquerons seulement quelques unes de chaque sorte, qui serviront d’exemples.
Une carte intitulée Le monde connue aux Anciens et celle de l’Italie et de la Grèce, etc. Nous avons rapporté en 1714 1 qu’il avait fait voir combien les mesures itinéraires des Romains étaient justes et conformes aux observations astronomiques qu’on a eues depuis, et combien l’Italie et la Grèce étaient différentes de ce qu’elles paraissaient sur toutes les autres cartes. Par là se justifiaient certaines choses que les Anciens avaient avancées, et que les Modernes rendaient par leur faute trop absurdes et trop incroyables.
Une carte des évêchés d’Afrique, qui a paru au devant d’une nouvelle édition d’ Optat de Milève . Elle avait toutes [p. 82] les difficultés de la géographie ancienne et de la géographie la plus particulière ; car il y avait en Afrique plus de 600 évêchés, dont une partie n’était que de gros bourgs, et même des châteaux ; et il n’y a pas jusqu’à leurs noms qu’il ne soit souvent très mal aisé de déterminer sûrement.
Une carte de l’empire grec du Moyen-Âge tirée de la description qu’en fit l’ empereur Constantin Porphyrogénète dans le 10me siècle. C’est là plus que partout ailleurs qu’on trouve une langue toute nouvelle. L’empire est divisé en Thèmes, expression inouïe jusque-là ; et tout est une espèce d’énigme qui semble faite pour le supplice des géographes. Après cela il ne faut presque pas compter d’autres cartes du Moyen-Âge, comme celle du diocèse de Toul, nommé alors Civitas leucorum.
Une carte de la Perse absolument nouvelle et très détaillée. On y retrouvait enfin ce grand pays, qui jusque-là n’avait ressemblé ni aux histoires des Anciens, ni aux relations des Modernes. On n’avait point encore la véritable étendue ou figure de la mer Caspienne, que l’on doit aux conquêtes et aux découvertes du feu tsar 2 mais M. Delisle en avait approché, autant qu’il était possible, par ses seules conjectures, et par son art singulier de mettre en œuvre et de combiner tous ses différents matériaux.
Une carte d’Artois pour mettre au devant des commentaires de M. Maillart sur la coutume de cette province. Qui croirait que dans les cartes d’un petit pays si proche de nous et si connu il y avait des rivières omises, et en récompense d’autres supposées ; 40 villages crées ou du moins transportes de si loin et avec des noms tellement défigurés qu’ils ne pouvaient être reconnus par ceux qui demeuraient sur les lieux ?
M. Delisle entra dans l’Académie, en 1702, élève en astronomie du grand M. Cassini , quoiqu’il ne fût ni ne voulût être observateur mais on compta que l’usage qu’il savait faire des observations lui devait tenir lieu de celles qu’il ne faisait pas ; et quoique dans le plan de l’Académie il n’y eût point de place de géographe, on lui en laissa occuper [p. 83] une, qui, selon les apparences, devait redevenir après lui place d’astronome, faute d’un géographe tel que lui. Il passa ensuite au grade d’associé, mais le plus glorieux événement de sa vie a été d’être appelé pour montrer la géographie au roi. Alors il commença à faire des cartes uniquement par rapport à l’étude que ce jeune prince ferait de l’histoire. Il en dressa une générale du monde en 1720, où les cartes générales par où il avait débuté en 1700 étaient déjà rectifiées, tant parce qu’il avait acquis de nouvelles lumières, que parce qu’il avait acquis aussi plus de hardiesse à ne point ménager les préjugés ordinaires, et en même temps plus d’autorité. Les auteurs, ainsi que ceux qui gouvernent, doivent un peu se régler sur l’opinion qu’ils sentent que l’on a d’eux. La carte de la fameuse retraite des dix mille, nécessaire pour entendre l’histoire que Xénophon en a écrite, parut en 1721. Elle lui produisait une difficulté très considérable, qu’il ne pouvait lever que par une supposition hardie, que nous avons déjà exposée au public 3 . Quelquefois les savants ne sont pas faciles de se trouver dans ces sortes de détroits, d’où ils ne peuvent sortir qu’à force de savoir.
Dès l’an 1718, il fut honoré par brevet du titre de premier géographe du roi, que personne n’avait encore porté ni ne porte encore après lui. Sa Majesté y joignit une pension.
Il avait entrepris plusieurs ouvrages pour le roi ; une carte de l’empire d’ Alexandre dont il rendait l’étendue beaucoup moindre, et par conséquent plus vraisemblable par ce même principe paradoxe, dont il se servait pour la retraite des dix mille, l’empire des Perses sous Darius ; l’empire Romain dans sa plus grande étendue ; la France selon toutes ses différentes divisions, tant sous les Romains que sous les trois races de ses rois. Toutes ces cartes, particulièrement destinées à l’Histoire, et aux histoires les plus intéressantes, étaient des secours et des avantages qui de l’éducation du roi devaient passer à celle des particuliers mais ces travaux, quoiqu’apparemment fort avancés, ne sont pas finis.
On croit aussi qu’il a fort avancé une carte de la Terre Sainte [p. 84] , théâtre des plus grands événements qui aient jamais été, et qui puissent jamais être. Il y travaillait depuis longtemps avec un soin si scrupuleux et si difficile à contenter, qu’il semble que la religion y eût part. Il joignit à la Terre-Sainte l’Égypte, pays très fameux et très peu connu.
Il ne paraissait presque plus d’histoire ou de voyage, que l’on ne voulût orner d’une carte de M. Delisle . Ces sortes de modes prouvent du moins les grandes réputations. Il avait promis une carte à M. l’ abbé de Vertot pour son histoire de Malte qui allait paraître, il la finit le 5 janvier 1726 au matin, et étant sorti l’après-dîner, il fut frappé dans la rue d’une apoplexie, dont il mourut le même jour sans avoir repris connaissance. Quoique le nom d’un savant ait bien du chemin à faire pour aller jusqu’aux oreilles des têtes couronnées, et même seulement jusqu’à celle de son maître, le nom de M. Delisle avait frappé les puissances étrangères. Le roi de Sardaigne, alors roi de Sicile, fit examiner par d’habiles gens la carte de la Sicile publiée par cet auteur, et elle fut trouvée si exacte et si correcte, que S[a] M[ajesté] l’honora d’une lettre accompagnée d’un présent que la lettre rendait presque inutile. L’ambassadeur qui lui remit l’un et l’autre, avait ordre en même temps de faire tous ses efforts pour l’engager à passer dans les états de ce prince, où il aurait tous les avantages et tous les agréments qu’il demanderait, mais l’amour de la patrie le retint, et peut-être aussi l’espérance qu’elle n’aurait pas l’ingratitude assez ordinaire à toute patrie. D’autres puissances lui ont fait les mêmes sollicitations. Le tsar allait le voir familièrement pour lui donner quelques remarques sur la Moscovie et plus encore pour connaître chez lui, mieux que partout ailleurs, son propre empire.
Deux de ses frères, tous deux de cette Académie, et astronomes, ont été appelés à Pétersbourg. Un autre avait pris l’histoire pour son partage. Il est rare qu’un père savant ait quatre fils qui le soient aussi, et avec succès. Cette inclination n’a pas coutume de se communiquer tant, et encore moins le génie.