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Éloge de Monsieur Charles-François de Cisternai du Fay

Éloge de M. du Fay

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Charles-François de Cisternai du Fay naquit à Paris le 14 septembre 1698, de Charles-Jérôme de Cisternai , chevalier, et de dame Elisabeth Landais, d’une très ancienne famille originaire de Touraine. Celle de Cisternai était noble et avait fait profession des armes sans discontinuation depuis la fin du quinzième siècle. Elle pourrait se parer de quelque ancienne alliance avec une maison souveraine d’Italie ; mais elle se contente de ce qu’elle est naturellement, sans rechercher d’illustration forcée.

L’aïeul paternel de M. du Fay mourut capitaine des gardes du prince de Conti , frère du grand Condé . Il avait servi longtemps dans le régiment de ce prince, et quoiqu’homme de guerre, il s’entêta de la chimie, dans le dessein à la vérité de parvenir au grand œuvre. Il travailla beaucoup, dépensa beaucoup, avec le succès ordinaire. Le père de M. du Fay étant lieutenant aux gardes, eut une jambe emportée d’un coup de canon au bombardement de Bruxelles en 1695. Il n’en quitta pas le service ; il obtint une compagnie dans le régiment des gardes mais il fut obligé a renoncer par les incommodités qui lui survinrent, et par l’impossibilité de monter à cheval. Heureusement il aimait les lettres, et elles furent sa ressource. Il s’adonna à la curiosité en fait de livres, curiosité qui ne peut qu’être accompagnée de beaucoup de connaissances agréables pour le moins. Il rechercha avec soin les livres en tout genre les belles éditions de tous les pays les manuscrits qui avaient quelque mérite outre celui de n’être pas imprimés, et se fit à la fin une bibliothèque bien choisie et bien assortie, qui allait bien à la valeur de 25 000 écus. Ainsi il se trouva [p. 74] dans Paris un capitaine aux gardes en commerce avec tous les fameux libraires de l’Europe, ami des plus illustres savants, mieux fourni que la plupart d’entre eux des instruments de leur profession, plus instruit d’une infinité de particularités qui la regardaient.

Lorsque M. du Fay vint au monde, son père était déjà dans ce nouveau genre de vie. Les enfants, et surtout les enfants de condition n’entendent parler de science qu’à leur précepteur, qui, dans une espèce de réduit séparé, leur enseigne une langue ancienne, dont le reste de la maison fait peu de cas. Dès que M. du Fay eut les yeux ouverts, il vit qu’on estimait les savants, qu’on s’occupait de recueillir leurs productions, qu’on se faisait un honneur de les connaître, et de savoir ce qu’ils avaient pensé, et tout cela sans préjudice, comme on le peut bien croire, du ton et des discours militaires, qui devaient toujours dominer chez un capitaine aux gardes. Cet enfant, sans qu’on en eût expressément formé le projet, fut également élevé pour les armes et pour les lettres, presque comme les anciens Romains.

Le succès de l’éducation fut à souhait. Dès l’âge de 14 ans, en 1712, il entra lieutenant dans le régiment de Picardie, et à la guerre d’Espagne, en 1718, il se trouva aux sièges de Saint-Sébastien et de Fontarabie, où il se fit de la réputation dans son métier, et, ce qui devait encore arriver plus sûrement, des amis car dans une seule campagne il pouvait manquer d’occasions de paraître, mais non pas d’occasions de plaire à ceux avec qui il avait à vivre.

Pour remplir ces deux vocations, il se mit dans ce temps là à étudier en chimie. Peut-être le sang de cet aïeul dont nous venons de parler agissait-il en lui ; mais il se trouva corrigé dans le petit-fils qui n’aspira jamais au grand œuvre. Il avait une vivacité qui ne se serait pas aisément contentée des spéculations paresseuses du cabinet, elle demandait que ses mains travaillaient aussi bien que son esprit.

Il eut une occasion agréable d’aller à Rome, il s’agissait [p. 75] d’y accompagner M. le cardinal de Rohan , dont il était fort connu et fort goûté ; tout le mouvement nécessaire pour bien voir Rome pour en examiner le détail immense, ne fut que proportionné à son ardeur de savoir, et aux forces que lui fournissait cette ardeur. Il devint antiquaire en étudiant les superbes débris de cette capitale du monde, et il en rapporta ce goût de médailles, de bronzes, de monuments antiques, où l’érudition semble être embellie par je ne sais quoi de noble qui appartient à ces sortes de sujets.

Apparemment il avait eu en vue dans ses études chimiques une place de chimiste de l’Académie des sciences. Il y parvint en 1723, et quoique capitaine dans la Picardie, il l’emporta sur des concurrents, qui par leur état devaient être plus chimistes que lui.

Sa constitution était aussi faible que vive, et sa prompte mort ne l’a que trop prouvé. Tout le monde prévoyait une longue paix, fort contraire à l’avancement des gens de guerre. Plus il connaissait l’Académie, plus il aimait ses occupations, et plus il se convainquait en même temps qu’elles demandaient un homme tout entier, et le méritaient. Toutes ces considérations jointes ensemble le déterminèrent à quitter le service, et il ne fut plus qu’académicien.

Il le fut si pleinement, qu’outre la chimie, qui était la science dont il tirait son titre particulier, il embrassa encore les cinq autres qui composent avec elle l’objet total de l’Académie, l’anatomie, la botanique, la géométrie, l’astronomie, la mécanique. Il ne les embrassa pas toutes avec la même force dont chacune en particulier, est embrassée par ceux qui ne s’attachent qu’à elle, mais il n’y en avait aucune qui lui fût étrangère, aucune chez laquelle il n’eût beaucoup d’accès, et qu’il n’eût pu se rendre aussi familière qu’il eut voulu. Il est jusqu’à présent le seul qui nous ait donné dans tous les six genres des mémoires que l’Académie a jugé dignes d’être présentés au public peut-être s’était-il proposé cette gloire, sans oser trop s’en déclarer. Il est toujours sûr que depuis sa réception, il ne s’est passé aucune année où il [p. 76] n’ait fait parler de lui dans nos histoires, et qu’aucun nom n’y est plus souvent répété que le sien.

Dans ce que nous avons de lui, c’est la physique expérimentale qui domine. On voit dans ses opérations toutes les attentions délicates, toutes les ingénieuses adresses, toute la patience opiniâtre, dont on a besoin pour découvrir la nature et se rendre maître de ce Protée , qui cherche à se dérober en prenant mille formes différentes. Après avoir débuté par le phosphore du baromètre 1 par le sel de la chaux, inconnu jusque-là aux chimistes 2 , il vint à des recherches nouvelles sur l’aimant 3 , et enfin car nous accourcissons le dénombrement, à la matière qu’il a le plus suivie, et qui le méritait le mieux, à l’électricité 4 .

Il l’avait prise des mains de M. Gray, célèbre philosophe anglais, qui y travaillait. Loin que M. Gray trouvât mauvais qu’on allât sur ses brisées, et prétendît avoir un privilège exclusif pour l’électricité, il aida de ses lumières M. du Fay qui, de son côté, ne fut pas ingrat, et lui donna aussi des vues. Ils s’éclairèrent, ils s’animèrent mutuellement, et arrivèrent ensemble à des découvertes si surprenantes et si inouïes, qu’ils avaient besoin de s’en attester, et de s’en confirmer l’un à l’autre la vérité ; il fallait, par exemple, qu’ils se rendissent réciproquement témoignage d’avoir vu l’enfant devenu lumineux pour avoir été électrisé. Pourquoi l’exemple de cet Anglais et de ce Français qui se sont avec tant de bonne foi et si utilement accordés dans une même recherche ne pourrait-il pas être suivi en grand par l’Angleterre et par la France ? Pourquoi s’élève-t-il entre les deux nations des jalousies, qui n’ont d’autre effet que d’arrêter, ou au moins de retarder le progrès des sciences ?

La réputation de M. du Fay sur l’art de bien faire les expériences de physique lui attira un honneur particulier. Le roi voulut qu’on travaillât à un règlement, par lequel toutes sortes de teintures, tant en laine qu’en soie, seraient soumises à certaines épreuves qui feraient juger de leur bonté, avant qu’on les reçût dans le commerce. Le conseil [p. 77] crut ne pouvoir mieux faire que de nommer M. du Fay pour examiner par des opérations chimiques et déterminer quelles devaient être ces épreuves. L’arrêt du conseil est du 12 février 1731. De là est venu un mémoire que M. du Fay donna en 1737 5 sur le mélange de quelques couleurs dans la teinture. Toutes les expériences dont il avait besoin sont faites, et on les a trouvées mises en un corps auquel il manque peu de choses pour sa perfection.

Nous avons fait dans l’éloge de feu M. Fagon en 1718 6 une petite histoire du Jardin royal des plantes. Comme la surintendance en était attachée à la place de premier médecin, avons-nous dit en ce temps là, et que ce qui dépend d’un seul homme, dépend aussi des goûts, et a une destinée fort changeante, un premier médecin, peu touché de la botanique, avait négligé ce jardin, et heureusement l’avait assez négligé pour le laisser dans un état où l’on ne pouvait plus le souffrir. Il était arrivé précisément la même chose une seconde fois, et par la même raison en 1732 à la mort d’un autre premier médecin. Ce n’est pas que d’excellents professeurs en botanique que Mrs de Jussieu n’eussent toujours fait leurs leçons avec la même assiduité, et d’autant plus de zèle, que leur science qui n’était plus soutenue que par eux, en avait plus de besoin, mais enfin toutes les influences favorables qui ne pouvaient venir que d’en haut, manquaient absolument, et tout s’en ressentait, les plantes étrangères s’amaigrissaient dans des serres mal entretenues et qu’on laissait tomber ; quand ces plantes avaient péri, c’était pour toujours, on ne les renouvelait point, on ne réparait pas même les brèches des murs de clôture de grands terrains demeuraient en friche.

Tel était l’état du jardin en 1732. La surintendance alors vacante par la mort du premier médecin fut supprimée et le premier médecin décharge d’une fonction qu’effectivement il ne pouvait guère exercer comme il l’eut fallu, à moins que d’avoir pour les plantes une passion aussi vive que M. Fagon . La direction du jardin fut jugée digne d’une [p. 78] attention particulière et continue, et le roi la donna sous le nom d’intendance à M. du Fay . Elle se trouva aussi bien que l’Académie des sciences dans le département de la cour et de Paris, qui est à M. le comte de Maurepas  ; et comme le nouvel intendant était de cette académie, le Jardin royal commença a s’incorporer en quelque sorte avec elle.

M. du Fay n’était pas botaniste comme Mrs de Jussieu , mais il le devint bientôt avec eux autant qu’il était nécessaire. Ils gémissaient sur les ruines de ce jardin qu’ils habitaient, et ne désiraient pas moins ardemment que lui de les voir relevées. Ils le mirent au fait de tout, ne se réservèrent rien de leurs connaissances les plus particulières lui donnèrent les conseils qu’ils auraient pris pour eux-mêmes, et cette bonne intelligence qui subsista toujours entre eux, ne leur fut pas moins glorieuse qu’utile au succès. L’Angleterre et la Hollande ont chacune un jardin des plantes. M. du Fay lit ces deux voyages, et celui d’Angleterre avec M. de Jussieu le cadet, pour voir des exemples, et prendre des idées dont il profiterait, et surtout pour lier avec les étrangers un commerce de plantes. D’abord, ce commerce était à notre désavantage nous étions dans la nécessité humiliante ou d’acheter, ou de recevoir des présents mais on en vint dans la suite à faire des échanges avec égalité, et même enfin avec supériorité. Une chose qui y contribua beaucoup ce fut une autre correspondance établie avec des médecins ou des chirurgiens, qui, ayant été instruits dans le jardin par Mrs de Jussieu, allaient de là se répandre dans nos colonies.

A mesure que le nombre des plantes augmentait par la bonne administration, on construisait de nouvelles serres pour les loger, et à la fin ce nombre étant augmenté de six ou sept mille espèces, il fallut jusqu’à une cinquième serre. Elles sont construites de façon à pouvoir représenter différents climats puisqu’on veut y faire oublier aux différentes plantes leurs climats naturels les degrés de chaleur y sont conduits par nuances depuis le plus fort jusqu’au tempéré et tous les raffinements que la physique moderne a pu [p. 79] enseigner à cet égard ont été mis en pratique. De plus, M. du Fay avait beaucoup de goût pour les choses de pur agrément, et il a donné à ces petits édifices toute l’élégance que le sérieux de leur destination pouvait permettre.

A la fin, il était parvenu à faire avouer unanimement aux étrangers que le Jardin royal était le plus beau de l’Europe et si l’on fait réflexion que le prodigieux changement qui y est arrivé s’est fait en sept ans, on conviendra que l’exécution de toute l’entreprise doit avoir été menée avec une extrême vivacité. Aussi était-ce là un des grands talents de M. du Fay . L’activité, toute opposée qu’elle est au génie qui fait aimer les sciences et le cabinet, il l’avait transportée de la guerre à l’Académie.

Mais toute l’activité possible ne lui aurait pas suffi pour exécuter, en si peu de temps, tous ses desseins sur le jardin, en n’y employant que les fonds destinés naturellement à cet établissement, il fallait obtenir, et obtenir souvent des grâces extraordinaires de la cour. Heureusement il était fort connu des ministres, il avait beaucoup d’accès chez eux, et une espèce de liberté et de familiarité à laquelle un homme de guerre ou un homme du monde parviendra plus aisément qu’un simple académicien. De plus, il savait se conduire avec les ministres, préparer de loin ses demandes, ne les faire qu’à propos, et lorsqu’elles étaient presque déjà faites, essuyer de bonne grâce les premiers refus, toujours à peu près infaillibles, ne revenir à la charge que dans des moments bien sereins, bien exempts de nuages, enfin, il avait le don de leur plaire et c’est déjà une grande avance pour persuader mais ils savaient aussi qu’ils n’avaient rien à craindre de tout son art, qui ne tendait qu’à des fins utiles au public, et glorieuses pour eux-mêmes.

Il était quelquefois obligé d’aller au-delà des sommes qu’on lui avait accordées et il n’hésitait pas à s’engager dans des avances assez considérables. Sa confiance n’a pas été trompée par ceux qu’elle regardait, mais elle pouvait l’être par des événements imprévus. Il risquait, mais pour ce jardin qui lui était si cher.

[p. 80] Devons-nous espérer qu’on nous croie, si nous ajoutons que tout occupé qu’il était et de l’Académie et du Jardin, il l’était encore dans le même temps d’une affaire de nature toute différente, très longue, très embarrassée, très difficile à suivre, dont la seule idée aurait fait horreur à un homme de lettres, et qui aurait été du moins un grand fardeau pour l’homme le plus exercé, le plus rompu aux manœuvres du palais et de la finance tout ensemble ? M. Landais, trésorier général de l’artillerie, mourut en 1729, laissant une succession modique pour un trésorier, et qui était d’ailleurs un chaos de comptes à rendre, une hydre de discussions renaissantes les unes des autres. Elle devait être partagée entre la mère de M. du Fay , et trois sœurs qu’elle avait, et il fut lui seul chargé de quatre procurations, seul à débrouiller le chaos et à combattre l’hydre. Malgré toute son activité naturelle, qui lui fut alors plus nécessaire que jamais, il ne put voir une fin qu’au bout de dix années, les dernières de sa vie et on assure que sans lui les quatre héritières n’auraient pas eu le quart de ce qui leur appartenait. Il est vrai que la réputation d’honneur et de probité que son oncle avait laissée et celle qu’il avait acquise lui-même, durent lui servir dans des occasions où il s’agissait de fidélité et de bonne foi, mais cela ne va pas à une épargne considérable des soins ni du temps. Cette grande affaire ne souffrit point de son attachement pour l’Académie et pour le Jardin royal, et ni l’un ni l’autre ne souffrirent d’une si violente distraction. Il conciliait tout et multipliait le temps par l’industrie singulière avec laquelle il savait le distribuer. Les grands plaisirs changent les heures en moments, mais l’art des sages peut changer les moments en heures.

Comme on savait que l’on ne pouvait trop occuper M. du Fay , on l’avait admis depuis environ deux ans aux assemblées de la grande police, composées des premiers magistrats de Paris, qu’on tient toutes les semaines chez le premier président. Là, il était consulté sur plusieurs choses qui intéressaient le public, et pouvaient se trouver [p. 81] comprises dans la variété de ses connaissances. Il était presque le seul qui, quoiqu’étranger à ces respectables assemblées, y fut ordinairement appelé.

Son dernier travail pour l’Académie, qui, quoiqu’il ne soit pas entièrement fini, est en état d’être annoncé ici, et peut être publié, a été sur le cristal de ruche et celui d’Islande. Ces cristaux, ainsi que plusieurs autres pierres transparentes, ont une double réfraction qui a été reconnue de Mrs Bartholin , Huygens et Newton , et dont ils ont tâché de trouver la mesure et d’expliquer la cause. Mais ni leurs mesures ne sont exactes, ni leurs explications exemptes de grandes difficultés. Il était arrivé par un grand nombre d’expériences à une mesure juste, et a des faits généraux, qui du moins pouvaient tenir lieu de principes, en attendant la première cause physique encore plus générale. Il avait découvert, par exemple, que toutes les pierres transparentes dont les angles sont droits, n’ont qu’une seule réfraction et que toutes celles dont les angles ne sont pas droits, en ont une double, dont la mesure dépend de l’inclination de leurs angles.

Il tomba malade au mois de juillet dernier, et dès qu’on s’aperçut que c’était la petite vérole, il ne voulut point attendre qu’on vînt avec des tours préparés lui parler de la mort sans en prononcer le nom, il s’y condamna lui-même pour plus de sûreté, et demanda courageusement ses sacrements, qu’il reçut avec une entière connaissance.

Il fit son testament, dont c’était presque une partie qu’une lettre qu’il écrivit à M. de Maurepas , pour lui indiquer celui qu’il croyait le plus propre à lui succéder dans l’intendance du Jardin royal. Il le prenait dans l’Académie des sciences à laquelle il souhaitait que cette place fût toujours unie, et le choix de M. Buffon qu’il proposait était si bon, que le roi n’en a pas voulu faire d’autre.

Il mourut le 16 juillet, après six ou sept jours de maladie.

Par son testament, il donne au Jardin royal une collection de pierres précieuses, qui fera partie d’un grand cabinet [p. 82] d’histoire naturelle, dont il était presque le premier auteur, tant il lui avait procuré par ses soins d’augmentations et d’embellissements. Il obtint même que le roi y fit transporter ses coquilles.

L’exécuteur testamentaire, choisi par M. du Fay est M. Hellot , chimiste de cette Académie. Toujours le Jardin royal, toujours l’Académie, autant qu’il était possible.

Mais ce qu’il y a de plus remarquable dans son testament, c’est d’avoir fait Madame sa mère sa légataire universelle. Jamais sa tendresse pour elle ne s’était démentie. Ils n’avaient point discuté juridiquement leurs droits réciproques ni fait de partages ; ce qui convenait à l’un lui appartenait, et l’autre en était sincèrement persuadé. Quoique ce fils si occupé eût besoin de divertissement, quoiqu’il les aimât, quoique le monde où il était fort répandu lui en offrit de toutes les espèces, il ne manquait presque jamais de finir ses journées par aller tenir compagnie à sa mère avec le petit nombre de personnes qu’elle s’était choisies. Il est vrai, car il ne faut rien outrer, que les gens naturellement doux et gais, comme il était, n’ont pas besoin de plaisirs si vifs. Mais ne court-on pas souvent à ces plaisirs là sans en avoir besoin et par la seule raison que d’autres y courent ? La raison du devoir et de l’amitié, plus puissante sur lui le retenait.

Il était extrêmement connu, et personne ne l’a connu qui ne l’ait regretté. Je n’ai point vu d’éloge funèbre fait par le public plus net, plus exempt de restrictions et de modifications que le sien. Aussi les qualités qui plaisaient en lui, étaient précisément celles qui plaisent le plus généralement des mœurs douces, une gaieté fort égale, une grande envie de servir et d’obliger, et tout cela n’était mêlé de rien qui déplut, d’aucun air de vanité, d’aucun étalage de savoir, d’aucune malignité ni déclarée ni enveloppée. On ne pouvait pas regarder son extrême activité comme l’inquiétude d’un homme qui ne cherchait qu’à se fuir lui-même par les mouvements qui se donnait au dehors ; [p. 83] on en voyait trop les principes honorables pour lui, et les effets souvent avantageux aux autres.

L’Académie a été plus touchée de sa mort que le reste du public. Quoiqu’occupée des sciences les plus élevées au-dessus de la portée ordinaire des hommes, elle ne laisse pas d’avoir des besoins et des intérêts, pour ainsi dire, temporels, qui l’obligent à négocier avec des hommes et si elle n’y employait que des agents qui ne sussent que la langue qu’elle parle, elle ne serait pas si bien servie par eux, que par d’autres qui parleraient et sa langue et celle du monde. M. du Fay était une espèce d’amphibie propre à vivre dans l’un et l’autre élément, et à les faire communiquer ensemble. Jamais il n’a manqué l’occasion de parler ou d’agir pour l’Académie, et comme il était partout, elle était sûre d’avoir partout un agent habile et zélé, sans même qu’il eût été chargé de rien. Mais ce qu’elle sent le plus c’est d’avoir perdu un sujet déjà distingué par ses talents, destiné naturellement à aller fort loin et arrêté au milieu de sa course.

Annotations réduire la fenêtre detacher la fenêtre

1 V. l’Hist. de 1723, p. 13.

2 V. celle de 1724, p. 39.

3 V. les Hist. de 17-8, p. 1 ; de 1730, p. 1 et de 1731, p. 15.

4 V. les Hist. de 1733, p. 4 ; de 1734, p. 1 et de 1737, p. 1.

5 V. l’Hist., p. 58.

6 p. 94 et suiv.