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Éloge de Monsieur Jean-Baptiste Du Hamel

Éloge de M. Du Hamel

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Jean-Baptiste Du Hamel naquit en 1624 à Vire en Basse-Normandie. Nicolas Du Hamel son père était avocat dans la même ville. Malgré le caractère général qu’on attribue à ce pays-là, et malgré son intérêt particulier, il ne songeait qu’à accommoder les procès qu’il avait entre les mains, et en était quelquefois mal avec les juges.

Du Hamel fit ses premières études à Caen, sa rhétorique et sa philosophie à Paris. A l’âge de 18 ans il composa un petit traité, où il expliquait avec une ou deux figures, d’une manière fort simple, les trois livres des Sphériques de Théodose  ; il y ajouta une trigonométrie fort courte et fort claire, dans le dessein de faciliter l’entrée de l’astronomie. Il a dit, dans un ouvrage postérieur, qu’il n’avait imprimé celui-là que par une vanité de jeune homme ; mais peu de gens de cet âge pourraient avoir la même vanité. Il fallait que l’inclination qui le portait aux [p. 143] sciences fût déjà bien générale et bien étendue, pour ne pas laisser échapper les mathématiques si peu connues et si peu cultivées en ce temps-là, et dans les lieux où il étudiait.

A l’âge de 19 ans il entra dans les pères de l’oratoire. Il y fut 10 ans, et en sortit pour être curé de Neuilly-sur-Marne. Pendant l’un et l’autre de ces deux temps, il joignit aux devoirs de son état une grande application à la lecture.

La physique était alors comme un grand royaume démembré, dont les provinces ou les gouvernements seraient devenus des souverainetés presque indépendantes. L’astronomie, la mécanique, l’optique, la chimie, etc., étaient des sciences à part, qui n’avaient plus rien de commun avec ce qu’on appelait physique ; et les médecins même en avaient détaché leur physiologie, dont le nom seul la trahissait. La physique appauvrie et dépouillée n’avait plus pour son partage que des questions également épineuses et stériles. Du Hamel entreprit de lui rendre ce qu’on lui avait usurpé, c’est-à-dire, une infinité de connaissances utiles et agréables, propres à faire renaître l’estime et le goût qu’on lui devait. Il commença l’exécution de ce dessein par son Astronomia Physica , et par son traité De meteoris et fossilibus , imprimés l’un et l’autre en 1660.

Ces deux traités sont des dialogues dont les personnages sont Théophile, grand zélateur des anciens ; Ménandre, cartésien passionné, Simplicius, philosophe indifférent entre tous les partis, qui le plus souvent tâche à les accorder tous, et qui hors de là est en droit, par son caractère, de prendre dans chacun ce qu’il y a de meilleur. Ce Simplicius ou M. Du Hamel , c’est le même homme.

A la forme de dialogues, et à cette manière de traiter la philosophie, on reconnaît que Cicéron a servi de modèle ; mais on le reconnaît encore à une latinité pure et exquise, et, ce qui est plus important, à un grand nombre d’expressions ingénieuses et fines dont ces ouvrages sont [p. 144] semés. Ce sont des raisonnements philosophiques qui ont dépouillé leur sécheresse naturelle, ou du moins ordinaire, en passant au travers d’une imagination fleurie et ornée, et qui n’y ont pris cependant que la juste dose d’agrément qui leur convenait. Ce qui ne doit être embelli que jusqu’à une certaine mesure précise, est ce qui coûte le plus à embellir.

L’astronomie physique est un recueil des principales pensées des philosophes tant anciens que modernes sur la lumière, sur les couleurs, sur les systèmes du monde ; et de plus, tout ce qui appartient à la sphère, à la théorie des planètes, au calcul des éclipses, y est expliqué mathématiquement. De même le traité des météores et des fossiles rassemble tout ce qu’en ont dit les auteurs qui ont quelque réputation dans ces matières ; car M. Du Hamel ne se bornait pas à la lecture des plus fameux. On voit dans ce qu’il a écrit des fossiles une grande connaissance de l’histoire naturelle, et surtout de la chimie, quoiqu’elle fût encore alors enveloppée de mystères et de ténèbres difficiles à percer.

On lui reprocha d’avoir été peu favorable au grand Descartes , si digne du respect de tous les philosophes, même de ceux qui ne le suivent pas. En effet, Théophile le traite quelquefois assez mal. M. Du Hamel répondit que c’était Théophile, entêté de l’antiquité, incapable de goûter aucun moderne, et que jamais Simplicius n’en avait mal parlé. Il disait vrai ; cependant c’était au fond Simplicius qui faisait parler Théophile.

En 1663, qui fut la même année où il quitta la cure de Neuilly, il donna le fameux livre De consensu veteris el novae philosophiae . C’est une physique générale, ou un traité des premiers principes. Ce que le titre promet est pleinement exécuté, et l’esprit de conciliation, héréditaire à l’auteur, triomphe dans cet ouvrage. Il commence par la sublime et peu intelligible métaphysique des platoniciens sur les idées, sur les nombres, sur les formes archétypes ; et quoique M. Du Hamel en reconnaisse l’obscu [p. 145] rité, il ne peut leur refuser une place dans cette espèce d’états-généraux de la philosophie. Il traite avec la même indulgence la privation du principe, l’éduction des formes substantielles, et quelques autres idées scolastiques ; mais quand il est enfin arrivé aux principes qui se peuvent entendre, c’est-à-dire, ou aux lois du mouvement, ou aux principes moins simples établis par les chimistes, on sent que malgré l’envie d’accorder tout, il laisse naturellement pencher la balance de ce côté-là. On s’aperçoit même que ce n’est qu’à regret qu’il entre dans les questions générales, d’où l’on ne remporte que des mots, qui n’ont point d’autre mérite que d’avoir longtemps passé pour des choses. Son inclination et son savoir le rappellent toujours assez promptement à la philosophie expérimentale, et surtout à la chimie, pour laquelle il paraît avoir eu un goût particulier.

En 1666, M. Colbert qui savait combien la gloire des lettres contribue à la splendeur d’un état, proposa et fit approuver au roi l’établissement de l’Académie Royale des Sciences. Il rassembla avec un discernement exquis un petit nombre d’hommes, excellents chacun dans son genre. Il fallait à cette compagnie un secrétaire qui entendit et qui parlât bien toutes les différentes langues de ces savants ; celle d’un chimiste, par exemple, et celle d’un astronome ; qui fût auprès du public leur interprète commun ; qui pût donner à tant de matières épineuses et abstraites des éclaircissements, un certain tour, et même un agrément que les auteurs négligent quelquefois de leur donner, et que cependant la plupart des lecteurs demandent; enfin, qui, par son caractère, fût exempt de partialité, et propre à rendre un compte désintéressé des contestations académiques. Le choix de M. Colbert pour cette fonction tomba sur M. Du Hamel  ; et après les épreuves qu’il avait faites sans y penser, de toutes les qualités nécessaires, un choix aussi éclairé ne pouvait tomber que sur lui.

Sa belle latinité ayant beaucoup brillé dans ses ouvrages, et d’autant plus que les matières étaient moins [p. 146] favorables, il fut choisi pour mettre en latin un traité des droits de la feue reine sur le Brabant, sur Namur, et sur quelques autres seigneuries des Pays-Bas espagnols. Le roi qui le fit publier en 1667, voulait qu’il pût être lu de toute l’Europe, où ses conquêtes, et peut-être aussi un grand nombre d’excellents livres, n’avaient pas encore rendu le français aussi familier qu’il l’est devenu.

A cet ouvrage, qui soutenait les droits de la reine, il en succéda, l’année suivante, un autre de la même main, et en latin, qui soutenait les droits de l’archevêque de Paris contre les exemptions que prétend l’abbaye de Saint-Germain des Prés. Ce fut M. de Péréfixe , alors archevêque, qui engagea M. Du Hamel à cette entreprise, apparemment il crut que le nom d’un auteur si éloigné d’attaquer sans justice, et même d’attaquer, serait un grand préjugé pour le siège archiépiscopal. En effet, c’est là la seule fois que M. Du Hamel ait forcé son caractère jusqu’à prendre le personnage d’agresseur ; et il est bon qu’il l’ait pris une fois pour laisser un modèle de la modération et de l’honnêteté avec laquelle ces sortes de contestations devraient être conduites.

Sa grande réputation sur la latinité fut cause encore qu’en là même année 1668, Colbert de Croissy , plénipotentiaire pour la paix d’Aix la Chapelle, l’y mena avec lui. Il pouvait l’employer souvent pour tout ce qui se devait traiter en latin avec les ministres étrangers ; et quoique la pureté de cette langue puisse paraître une circonstance peu importante par rapport à une négociation de paix, les politiques savent assez qu’il ne faut rien négliger de ce qui peut donner du relief à une nation aux yeux de ses voisins ou de ses ennemis.

Après la paix d’Aix la Chapelle, M. de Croissy alla ambassadeur en Angleterre, et M. Du Hamel l’y accompagna. Il fit ce voyage en philosophe ; sa principale curiosité fut de voir les savants, surtout l’illustre M. Bayle , qui lui ouvrit tous ses trésors de physique expérimentale. De là il passa en Hollande avec le même esprit, et il rapporta de ces deux voyages des richesses dont il a ensuite orné ses livres.

[p. 147] Revenu en France, et occupant sa place de secrétaire de l’Académie, il publia son traité De corporum affectionibus en 1670. Là, il pousse la physique jusqu’à la médecine, dont il ne se contente pas d’effleurer les principes. Deux ans après, il donna son traité de Mente humana . C’est une logique métaphysique, ou une théorie de l’entendement humain et des idées, avec l’art de conduire sa raison. Quoique les expériences physiques paraissent étrangères à ce sujet, elles y entrent cependant en assez grande quantité, elles fournissent tous les exemples dont l’auteur a besoin ; il en est si plein, qu’elles semblent lui échapper à chaque moment.

Un an après, c’est à dire en 1673, parut son livre De corpore animato . On peut juger par le titre si la physique expérimentale y est employée. Surtout l’anatomie y règne. M. Du Hamel en avait acquis une grande connaissance, et par des conférences de l’Académie, et par un commerce particulier avec Mrs Stenon et du Verney . Quand du Verney commença à s’établir à Paris, et qu’il y établit en même temps un nouveau goût pour l’anatomie, Du Hamel fut un des premiers qui se saisit de lui et des découvertes qu’il apportait. Un tel disciple excita encore le jeune anatomiste à de plus grands progrès, et y contribua.

Dans ce livre De corpore animato , il fait entendre qu’on lui reprochait de ne point décider les questions, et d’être trop indéterminé entre les différents partis. Il promet de se corriger, et il faut avouer cependant qu’il ne parait pas trop avoir tenu parole ; mais enfin il est rare qu’un philosophe soit accusé de n’être pas assez décisif.

Au même endroit, il se fait à lui-même un autre reproche, dont il est beaucoup plus touché ; c’est d’être ecclésiastique et de donner tout son temps à la philosophie profane. Il est aisé de voir quelle foule de raisons le justifiait ; mais l’extrême délicatesse de sa conscience ne s’en contentait pas. Il proteste qu’il veut retourner à un ouvrage de théologie, dont le projet avait été formé dès le temps qu’il publia ses premiers livres, et dont l’exécu [p. 148] tion avait toujours été interrompue.

Cependant il y survint encore une nouvelle interruption. Un ordre supérieur, et glorieux pour lui l’engagea à composer un cours entier de philosophie selon la forme usitée dans les collèges. Cet ouvrage parut en 1678 sous le titre de Philosophia vetus et nova, ad usum scholae accommodata, in regia Burgundia pertractata ; assemblage aussi judicieux et aussi heureux qu’il puisse être des idées anciennes et des nouvelles, de la philosophie des mots et de celle des choses, de l’école et de l’Académie. Pour en parler encore plus juste, l’école y est ménagée, mais l’ Académie y domine. M. Du Hamel y a répandu tout ce qu’il avait puisé dans les conférences académiques, expériences, découvertes, raisonnements, conjectures. Le succès de l’ouvrage a été grand ; les nouveaux systèmes déguisés en quelque sorte, ou alliés avec les anciens, se sont introduits plus facilement chez leurs ennemis, et peut-être le vrai y a-t-il eu moins d’oppositions à essuyer, parce qu’il a eu le secours de quelques erreurs.

Plusieurs années après la publication de ce livre, des missionnaires qui l’avaient porté aux Indes orientales, écrivirent qu’ils y enseignaient cette philosophie avec beaucoup de succès, principalement la physique, qui est des quatre parties du cours entier celle où l’académie et les modernes ont le plus de part. Des peuples peu éclairés, et conduits par le seul goût naturel, n’ont pas beaucoup hésité entre deux espèces de philosophie, dont l’une nous a si longtemps occupés.

Il semble que M. Du Hamel ait été destiné à être le philosophe de l’Orient. Le P. Bouvet , jésuite, et fameux missionnaire de la Chine, a écrit que quand ses confrères et lui voulurent faire en langue tartare une philosophie pour l’empereur de ce grand état, et le disposer par là aux vérités de l’évangile, une des principales sources où ils puisèrent fut la philosophie ancienne et moderne de M. Du Hamel . L’entrée qu’elle pouvait procurer à la religion dans ces climats éloignés, a dû le consoler de l’application qu’il y avait donnée.

[p. 149] A la fin, il s’acquitta encore plus précisément du devoir dont il se croyait chargé. En 1691, il imprima un corps de théologie en sept tomes, sous ce titre : Theologia speculatrix et practica juxta SS. Patrum dogmata pertractata et ad usum scholae accommodata . La théologie a été longtemps remplie de subtilités, fort ingénieuses à la vérité, utiles même jusqu’à un certain point, mais assez souvent excessives ; et l’on négligeait alors la connaissance des pères, des conciles, de l’histoire de l’église, enfin tout ce qu’on appelle aujourd’hui théologie positive. On allait aussi loin que l’on pouvait aller par la seule métaphysique, et sans le secours des faits presque entièrement inconnus ; et cette théologie a pu être appelée fille de l’esprit et de l’ignorance. Mais enfin les vues plus saines et plus nettes des deux derniers siècles ont fait renaître la positive. M. Du Hamel l’a réunie dans son ouvrage avec la scolastique et personne n’était plus propre à ménager cette réunion. Ce que la philosophie expérimentale est à l’égard de la philosophie scolastique, la théologie positive l’est à l’égard de l’ancienne théologie de l’école ; c’est la positive qui donne du corps et de la solidité à la scolastique, et M. Du Hamel fit précisément pour la théologie ce qu’il avait fait pour la philosophie. On voit de part et d’autre la même étendue de connaissances, le même désir et le même art de concilier les opinions, le même jugement pour choisir quand il le faut, enfin le même esprit qui agit sur différentes matières. On peut se représenter ici ce que c’est que d’être philosophe et théologien tout à la fois ; philosophe qui embrasse toute la philosophie, théologien qui embrasse la théologie entière.

Ce travail presque immense lui en produisit encore un autre. On souhaita qu’il tirât en abrégé de son corps de théologie ce qui était le plus nécessaire aux jeunes ecclésiastiques que l’on instruit dans les séminaires. Touché de l’utilité du dessein, il l’entreprit, quoique âgé de 70 ans, et sujet à une infirmité qui de temps en temps le mettait à deux doigts de la mort. Il fit même beaucoup plus qu’on ne lui demandait ; il traita quantité de matières qu’il n’a [p. 150] vait pas fait entrer dans son premier ouvrage, et en donna un presque tout nouveau en 1694, sous ce titre : Theologiae clericorum seminariis accommodatae summarium . Ce sommaire contient 5 volumes.

Son application à la théologie ne nuisit point à ses devoirs académiques. Non seulement il exerça toujours sa fonction, en tenant la plume et recueillant les fruits de chaque assemblée, mais il entreprit de faire en latin une histoire générale de l’Académie depuis son établissement en 1666 jusqu’en 1696. Il prit cette époque pour finir son histoire, parce qu’au commencement de 1697 il quitta la plume, ayant représenté à M. de Pontchartrain , aujourd’hui chancelier de France, qu’il devenait trop infirme, et qu’il avait besoin d’un successeur. Il serait de mon intérêt de cacher ici le nom de celui qui osa prendre la place d’un tel homme ; mais la reconnaissance que je lui dois de la bonté avec laquelle il m’agréa, et du soin qu’il prit de me former, ne me le permet pas.

Ce fut en 1698 que parut son histoire sous ce titre : Regiae scientiarum academiae historia . L’édition fut bientôt enlevée, et en 1701 il en parut une seconde beaucoup plus ample, augmentée de quatre années qui manquaient à la première pour finir le siècle, et dont les deux dernières étaient comprises dans une Histoire française.

Si nous n’avions une preuve incontestable par la date de ses livres, nous n’aurions pas la hardiesse de rapporter qu’en la même année 1698 où il donna pour la première fois son Histoire de l’Académie, il donna aussi un ouvrage théologique fort savant, intitulé : Institutiones biblicae, seu scripturae sacrae prolegomena una cum selectis annotationibus in pentateuchum . Là, il ramasse tout ce qu’il y a de plus important à savoir sur la critique de l’Écriture-Sainte ; un jugement droit et sûr est l’architecte qui choisit et qui dispose les matériaux que fournit une vaste érudition. Le même caractère règne dans les notes sur les cinq livres de Moïse, elles sont bien choisies, peu chargées de discours, instructives, curieuses seulement lorsqu’il faut qu’elles le soient pour être instructives, savantes sans [p. 151] pompe, mêlées quelquefois de sentiments de piété, qui partaient aussi naturellement du cœur de l’écrivain, que du fond de la matière.

Il publia en 1701 les Psaumes , et en 1703 les Livres de Salomon , la Sapience et l’Ecclésiastique , avec de pareilles notes. Tous ces ouvrages n’étaient que les avant-coureurs d’un autre sans comparaison plus grand auquel il travaillait, d’une Bible entière accompagnée de notes sur tous les endroits qui en demandaient, et de notes telles qu’il les faisait. Il la donna en 1705, âgé de 81 ans. Cette Bible, par la beauté de l’édition, et par la commodité et l’utilité du commentaire disposé au bas des pages, l’emporte, au jugement des savants, sur toutes celles qui ont encore paru.

Parvenu à un si grand âge, et ayant acquis plus que personne le droit de se reposer glorieusement, mais incapable de ne rien faire, il voulut continuer de mettre en latin l’Histoire française de l’Académie ; et il avait déjà fait cet honneur à une préface générale qui marche à la tête. Mais enfin il mourut le 6 août 1706, d’une mort douce et paisible, et par la seule nécessité de mourir.

Jusqu’ici nous ne l’avons presque représenté que comme savant et comme académicien ; il faudrait maintenant le représenter comme homme, et peindre ses mœurs ; mais ce serait le panégyrique d’un saint, et nous ne sommes pas dignes de toucher à cette partie de son éloge, qui devrait être fait à la face des autels, et non dans une Académie. Nous en détacherons seulement deux faits qui peuvent être rapportés par une bouche profane.

Il allait tous les ans à Neuilly-sur-Marne visiter son ancien troupeau, et le jour qu’il y passait était célébré dans tout le village comme un jour de fête. On ne travaillait point, et on n’était occupé que de la joie de le voir. Tout le monde sait quelles sont les vertus, non seulement morales, mais chrétiennes nécessaires à un pasteur, pour lui gagner tous les cœurs à ce point là ; et de quel prix sont les louanges de ceux sur qui on a eu de l’autorité, et sur qui on n’en a plus.

[p. 152] Pendant qu’il fut en Angleterre, les catholiques anglais qui allaient entendre sa messe chez l’ambassadeur de France, disaient communément, allons à la messe du saint prêtre. Ces étrangers n’avaient pas eu besoin d’un long temps pour prendre de lui l’idée qu’il méritait. Un extérieur très simple et qu’on ne pouvait jamais soupçonner d’être composé, annonçait les vertus du dedans, et trahissait l’envie qu’il avait de les cacher. On voyait aisément que son humilité était, non pas un discours, mais un sentiment fondé sur sa science même ; et sa charité agissait trop souvent pour n’avoir pas quelquefois, malgré toutes ses précautions, le déplaisir d’être découverte. Le désir général d’être utile aux autres était si connu en lui, que les témoignages favorables qu’il rendait en perdaient une partie du poids qu’ils devaient avoir par eux-mêmes.

Le cardinal Antoine Barberin , grand aumônier de France, le fit aumônier du roi en 1659 ; car nous avions oublié de le dire, et c’est un point qui n’aurait pas été négligé dans un autre éloge. Il fut pendant toute sa vie dans une extrême considération auprès de nos plus grands prélats. Cependant il n’a jamais possédé que de très petits bénéfices, ce qui sert encore à peindre son caractère ; et pour dernier trait, il n’en a point possédé dont il ne se soit dépouillé en faveur de quelqu’un.

La place d’anatomiste pensionnaire qu’il occupait dans l’Académie a été remplie par M. Litre [Littré], et celle d’anatomiste associé qu’avait M. Litre [Littré] a été remplie par M. du Verney le jeune qui était élève de M. Du Hamel .

En même temps le roi ayant déclaré M. Dalesme vétéran, parce qu’étant souvent employé par S. M. dans des ports de mer, il ne peut faire les fonctions académiques, sa place de mécanicien pensionnaire fut remplie par M. Carré qui était géomètre associé, et celle de M. Carré par M. Guisnée auparavant élève de M. Varignon .

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