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Éloge de Monsieur Jean René de Longueil

Éloge de M. le président de Maisons

[p. 109]

Jean René de Longueil , naquit à Paris le 15 juillet 1699, de Claude de Longueil, marquis de Maisons, président du parlement, et de Charlotte Roque de Varangeville.

On sait que la maison de Longueil est distinguée par son ancienneté, tant dans l’épée que dans la robe, et plus encore par les dons de l’esprit, qui s’y sont assez perpétués pour lui donner un caractère général, et former en faveur du nom une prévention agréable.

Le jeune M. de Maisons , à cause de la délicatesse de sa santé, fut élevé dans la maison paternelle. On assura qu’à 12 ans il ne trouvait plus de difficultés dans les poètes latins, et sentait toutes les beautés des français, car à quoi sert d’entendre avec beaucoup de peine des auteurs dans une langue étrangère, quand on ne sait pas juger, comme il arrive souvent, de ceux qu’on lit dans la langue que l’on pare ? La partie de l’éducation qui regarde le goût, extrêmement négligée jusqu’ici, ne le fut pas à l’égard de M. de Maisons . On pourrait lui reprocher de s’être fait un goût trop sévère, mais le plaisir de critiquer peut être pardonné à la grande jeunesse.

A l’âge de 14 ans, il fit un cours de physique, mais de vraie physique, et il y entra avec cette ardeur qui annonce le génie. Il se plaisait à faire lui-même les expériences, ce qui instruit beaucoup plus que de les laisser à des gens plus exercés et d’en être simple spectateur. On est obligé [p. 110] d’entrer dans des détails dont l’importance et les suites ne sont bien connues que de ceux qui y ont prêté leurs mains.

On le mit à 15 ans dans la jurisprudence qui devait être son grand objet, et il en embrassa l’étude d’une manière à contenter une famille accoutumée à fournir de bons sujets pour une importante place. Ce fut alors qu’il perdit son père, magistrat très considéré, et dans sa Compagnie, et dans le public, et à qui il n’a manqué qu’une plus longue vie pour monter encore à une plus haute considération. Le feu roi eut la bonté de réparer, autant qu’il se pouvait, le malheur du fils, et il lui accorda la charge de président du Parlement, dans l’espérance, lui dit-il, qu’il le servirait avec la même fidélité qu’avaient fait ses Ancêtres. Cette grace a une époque remarquable, elle fut la dernière d’un si long règne.

La Régence ne fut pas moins favorable à M. de Maisons . Il eut, par grâce singulière, voix et séance à sa place de président dès l’âge de 18 ans.

Il travailla à mériter tout ce qu’il avait obtenu, et le mérita en effet par son application aux affaires, par la pénétration qu’il y faisait déjà paraître, par une droiture inflexible dans l’administration de la justice.

Cependant il conservait toujours du goût pour la physique. Ceux à qui il n’est permis de prendre les sciences que pour le délassement ou pour l’ornement, ne peuvent choisir ni des délassements plus nobles, ni des ornements qui soient mieux. Il se fit à Maisons un jardin de plantes rares, et un laboratoire de chimie, dignes tous les deux d’un lieu où tout ce qui n’aurait pas été magnifique aurait et fort mauvaise grâce. Il est sorti du jardin le seul café, que l’on sache, qui ait encore pu venir à maturité en France, et on assure qu’il n’a pas moins de parfum que celui de Moka. M. de Maisons a fait lui-même le laboratoire, le bleu de Prusse, le plus parfait que l’on ait encore dans cette espèce de couleur. Il avait aussi depuis peu fait préparer des lieux pour les expériences de M. Newton sur la lumière, qui ne sont pas aisées à répéter, et qui peut-être eussent été poussées [p. 111] plus loin. Nous ne nous intéressons pas tant à son cabinet de médailles, quoique très curieux, mais nous ne laissons pas de bien connaitre tout le prix de l’étendue et de la variété de ses connaissances.

Avec tous les droits qu’il avait par rapport à nous, il désira d’être un de nos honoraires, et il le fut vers la fin d’aout 1726. Le roi nomma le président de l’Académie pour l’année 1730. Il marqua par un redoublement d’assiduité qu’il ne regardait pas ce titre comme un vain titre d’honneur, et il le marqua encore mieux dans les occasions où il fut question de quelque intérêt général de la Compagnie. Alors un corps ne peut guère se mouvoir par lui-même, tout son action, toute sa vie réside dans son chef, et le nôtre s’acquitta de ses fonctions avec une ardeur et un zèle qui nous firent bien sentir l’avantage de le posséder. Il prenait une habitude, qui lui devait être utile dans des fonctions pareilles, et plus importantes auxquelles il était destiné, mais dont il a été privé par une fin trop prompte.

Il mourut de la petite vérole le 13 septembre 1731, ne laissant qu’un fils de la fille unique de M. d’Angervilliers, secrétaire d’État.

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