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Éloge de Monsieur Jacques Philippe Maraldi

Éloge de M. Maraldi

[p. 116]

Jacques Philippe Maraldi naquit le 21 août 1665 à Perinaldo dans le comté de Nice, lieu déjà honoré par la naissance du grand M. Cassini . Il fut fils de François Maraldi et d’Angela Catherine Cassini, sœur de ce fameux astronome.

Après qu’il eut fini avec distinction le cours des études ordinaires, son goût naturel le porta aux sciences plus élevées, aux mathématiques, et il y avait fait tant de progrès à l’âge de 22 ans, que son oncle, établi en France depuis plusieurs années, l’y appela en 1687 pour cultiver lui-même ses talents, et les faire connaître dans un pays où l’on avait eu un soin singulier d’en rassembler de toutes parts. Sans doute M. Cassini , étranger et circonspect comme il était, ne se fût pas chargé d’un neveu dont il n’eût pas beaucoup espéré, et qui lui aurait été plus reproché que tout autre qu’il eût mis à la même place.

Dès les premiers temps que M. Maraldi se mit à observer le ciel, il conçut le dessein de faire un catalogue des étoiles fixes. Ce catalogue est la pièce fondamentale de tout l’édifice de l’astronomie. Les fixes qui à la vérité ont un mouvement, mais d’une extrême lenteur, et d’une quantité présentement bien connue, et qui d’ailleurs ne changent point de situation entre elles, sont prisent pour des points immobiles auxquels ont rapport tous les mouvements qui sont au-dessous d’elles, ceux des planètes et des comètes et par là il est de la dernière importance de connaître exactement et le nombre et la position de ces points lumineux qui régleront tout. Non seulement les télescopes ont prodigieusement enrichi le ciel de fixes, auparavant invisibles mais la simple [p. 117] vue plus attentive et mieux dirigée, en a porté le nombre beaucoup au-delà de celui que les Anciens avaient prétendu déterminera peu près, et c’est proprement de nos jours qu’il n’est presque plus permis de les compter. Mais que ne peut la curiosité ingénieuse et opiniâtre ? On les compte, ou du moins on leur assigne à toutes leurs places dans leurs constellations. Le catalogue de Bayer est celui dont les astronomes se servent le plus ordinairement, et auquel ils semblent être convenus de donner leur confiance mais M. Maraldi crut pouvoir porter la précision et l’exactitude au-delà de celles de tous les catalogues connus, et il se détermina courageusement à en faire un nouveau.

Quelques efforts d’esprit que l’on fasse, et quelque assiduité que l’on y donne, on est trop heureux quand il n’en coûte que de demeurer dans son cabinet. Ces veilles, que les savants et les poètes mêmes ont tant de soin de faire valoir, prises dans le sens le plus littéral, ne sont pas des veilles en comparaison de celles qui se font en plein air et en toutes saisons pour étudier le ciel. Le géomètre le plus laborieux mène presque une vie molle au prix d’un astronome également occupé de sa science. Surtout quand on a entrepris un catalogue des fixes, on n’a point trop de toutes les nuits de l’année les seules que l’on ait de relâche sont celles où le ciel est trop couvert ; encore se plaint-on de cette grâce de la nature. Aussi M. Maraldi altéra-t-il beaucoup sa santé par un si long et si rude travail il en contracta de fréquents maux d’estomac, dont il s’est toujours ressenti, parce qu’il ne put pas s’empêcher d’en entretenir toujours la cause.

Cependant il communiquait assez facilement ce qui lui avait tant conté. De son ouvrage qui n’est encore que manuscrit, il en a détaché des positions d’étoiles, dont quelques auteurs avaient besoin ; par exemple, M. Delisle , pour son globe céleste ; M. Manfredi pour ses éphémérides ; M. Isaac Broukner pour le globe dont il a été parlé en 1725 1 .

Son catalogue n’était pas seulement sur le papier ; il était tellement gravé dans sa tête qu’on ne lui pouvait désigner [p. 118] aucune étoile quoique presque imperceptible à la vue, qu’il ne dit sur le champ la place qu’elle occupait dans sa constellation. Puisque les étoiles ont été appelées dans les livres saints l’Armée du ciel, on pourrait dire que M. Maraldi connaissait toute cette armée, comme Cyrus connaissait la sienne.

Quelquefois de petites comètes, et qui durent peu, ne sont pas reconnues pour comètes, parce qu’on les prend pour des étoiles de la constellation où elles paraissent et cela, faute de savoir assez de quel assemblage d’étoiles cette constellation est composée. Peut-être croira-t-on que ce ne serait pas un grand malheur d’ignorer une comète si petite et de si peu de durée, qu’elle ne devait pas dans la suite se faire remarquer. Mais les astronomes n’en jugent pas ainsi. Ils ont tous aujourd’hui une extrême ardeur pour le système des comètes, qui fait à notre égard les dernières limites du système entier de l’univers et ils ne veulent rien perdre de tout ce qui peut conduire à en avoir quelque connaissance ; tout sera mis à profit. Il était difficile que des phénomènes célestes échappassent à M. Maraldi la plus petite nouveauté dans le ciel frappait aussitôt des yeux si accoutumés à ce grand objet. Ceux qui observaient en même lieu que lui, et qui auraient pu être jaloux des premières découvertes, avouent que le plus souvent c’est lui qui en a eu l’honneur.

La construction du catalogue, des observations, soit journalières soit rares et dont le temps se fait beaucoup attendre comme celles des phases de l’anneau de Saturne, des déterminations de retours d’étoiles fixes qui disparaissent quelquefois, des applications adroites des méthodes données par M. Cassini des vérifications de théories dont il est important de s’assurer, des corrections d’autres théories qui peuvent recevoir plus d’exactitude ; voila tous les événements de la vie de M. Maraldi , nos histoires en sont pleines, et ont fait d’avance une grande partie de son éloge.

Il travailla sous M. Cassini en 1700 à la prolongation de la fameuse méridienne jusqu’à l’extrémité méridionale du [p. 119] royaume, et eut beaucoup de part à ce grand ouvrage. De là il alla en Italie et comme alors on travaillait à Rome sur la grande affaire du calendrier dont nous avons parlé en 1700 2 et 1701 3 , le pape Clément XI profita de l’heureuse occasion d’y employer un astronome forme par M. Cassini . Il donna entrée à M. Maraldi dans les congrégations qui se tenaient sur ce sujet. M. Bianchini , lié d’une grande amitié avec M. Cassini , ne manqua pas de s’associer son neveu dans la construction d’une grande méridienne qu’il traçait pour l’église des Chartreux de Rome, à l’imitation de celle de Saint Pétrone, de Bologne tracée par celui qu’ils reconnaissaient tous deux pour leur maître.

En 1718, M. Maraldi alla avec trois autres académiciens terminer la grande méridienne du côté du septentrion. A ces voyages près il a passé sa vie depuis son arrivée à Paris, renfermé dans l’observatoire ou plutôt il l’a passée tout entière renfermé dans le ciel, d’où ses regards et ses recherches ne sortaient point.

II se délassait pourtant quelquefois ; il prenait des divertissements. Il faisait des observations physiques sur des insectes sur des pétrifications curieuses sur la culture des plantes, partie de la botanique à laquelle il serait temps que l’on songeât autant qu’on a fait jusqu’ici à la nomenclature qui n’est qu’un préliminaire. Ce n’est pas que ce préliminaire soit fini : s’il doit l’être jamais ce ne sera que dans plusieurs siècles mais on l’a mis en état de permettre que l’on aille désormais plus avant. Nous avons rendu compte en 1712 4 de la plus importante observation terrestre de M. Maraldi c’est celle des abeilles, qui, malgré l’agrément naturel du sujet, a demandé du travail très fatigant par la longue assiduité de plusieurs année, et par l’extrême difficulté de bien voir tout ce qui se passait dans ce merveilleux petit état.

Il ne restait plus à M. Maraldi , pour achever son catalogue des fixes, que d’en déterminer quelques unes vers le zénith et vers le nord ; et dans ce dessein, il venait de placer un quart de cercle mural sur le haut de la terrasse de [p. 120] l’observatoire, lorsqu’il tomba malade. Il employa le seul remède auquel il eût confiance, une diète austère il s’en était toujours bien trouvé mais nul remède ne réussit toujours. Il mourut le premier déc[embre] 1729.

Son caractère était celui que les sciences donnent ordinairement à ceux qui en font leur unique occupation, du sérieux, de la simplicité, de la droiture ; mais ce qui n’est pas si commun c’est le sentiment de la reconnaissance porté au plus haut point, tel qu’il l’avait pour son oncle. Il voulait le veiller lui-même dans ses maladies, et il y apportait le soin le plus attentif et la plus tendre inquiétude, M. Cassini avait en lui un second fils. L’impression des bienfaits redouble de force quand il part d’un homme à qui les indifférents mêmes ne pourraient refuser de la vénération.

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1 p.103 et 104.

2 p. 127. 2de édit.

3 P. 105. 2de édit.

4 p. 5 et suiv.