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Éloge de Monsieur François Poupart

Éloge de M. Poupart

[p. 125]

François Poupart naquit au Mans en d’un bon bourgeois, allié aux meilleures familles de la ville, qui n’avait aucun emploi, et était chargé de beaucoup d’enfants. Il ne s’occupait que de leur éducation, il en mit un dans la marine, qui s’y avança par son mérite, jusqu’à devenir capitaine de vaisseau.

M. Poupart fit ses études chez les pères de l’oratoire du Mans. La philosophie scolastique ne fit que lui apprendre qu’on pouvait philosopher, et lui en inspirer l’envie. Il tomba bientôt sur les ouvrages de Descartes , qui lui donnèrent une grande idée de la nature, et une aussi grande passion de l’étudier. Il passa quelques années chez son père dans cette seule occupation, encore incertain du parti qu’il prendrait ; enfin il se détermina pour la médecine. Mais comme les secours, tant spirituels, pour ainsi dire, que temporels, lui manquaient au Mans, il vint à Paris, où il est plus facile d’en trouver de toute espèce. Il se chargea de l’éducation d’un enfant pour subsister, mais ayant bientôt éprouvé que les soins de cet emploi lui enlevaient tout son temps, il y renonça, et aima mieux étudier que subsister, c’est-à-dire, que pour être entièrement à lui et à ses livres, il se réduisit à un genre de vie fort incommode et fort étroit. Nous ne rougissons point d’avouer hautement la mauvaise fortune d’un de nos confrères, ni de montrer au public le sac et le bâton d’un Diogène , quoique nous soyons dans un siècle où les Diogènes sont moins considérés que jamais, et où certainement ils ne recevraient pas de visites des rois dans leur tonneau.

Il s’appliqua avec ardeur à la physique, et surtout à [p. 126] l’histoire naturelle, qui après tout est peut-être la seule physique à notre portée. Un goût particulier le portait à étudier les insectes, espèces d’animaux si différents de tous les autres, et si différents encore entre eux, qu’ils font comprendre en général la diversité infinie des modèles sur lesquels la nature peut avoir fait des animaux pour une infinité d’autres habitations. Il avait et la patience souvent très pénible de les observer pendant tout le temps nécessaire, et l’art de découvrir leur vie cachée, et l’adresse de faire, quand il était possible, la délicate anatomie de ces petits corps. Il portait ses découvertes aux conférences de feu M. l’ abbé Bourdelot , dont il était un des bons acteurs, ou les faisait imprimer dans le journal des savants ; témoin sa dissertation sur la sangsue, qui fut fort approuvée des physiciens, et leur fit connaître à eux-mêmes un animal que tout le monde croyait connaître.

Pour se perfectionner dans l’anatomie, il voulut exercer la chirurgie dans l’Hôtel-Dieu, et se présenta à ceux dont il fallait qu’il subît l’examen. Ils l’interrogèrent sur des choses difficiles, et par les réponses qu’il leur fit, ils le trouvèrent déjà fort habile dans l’art de la chirurgie, et le reçurent avec éloge. Mais il les étonna beaucoup, quand il leur avoua qu’il ne savait seulement pas saigner, et qu’il n’avait sur la chirurgie qu’une spéculation. Ils ne se repentirent pas de l’avoir reçu, et ils le jugèrent bien propre à apprendre promptement et parfaitement cette pratique, qu’ils ne s’étaient pas aperçus qui lui manquât ; et ils l’instruisirent avec l’affection que les maîtres ont pour d’excellents disciples. Il passa trois ans dans ces fonctions, après quoi il ne s’attacha plus qu’à la médecine, et comme il ne cherchait pas à en borner l’étendue, il embrassa tout ce qui y avait rapport, la botanique, la chimie. Il se fit recevoir docteur en médecine dans l’université de Reims.

Son envie de savoir n’était pas renfermée dans les limites de cette profession, quoique si vaste. Il ne serait [p. 127] pas extraordinaire que la philosophie de Descartes l’eût engagé à prendre quelque teinture assez raisonnable de géométrie, mais peut-être aura-t-on de la peine à croire qu’il étudiât jusqu’à l’architecture. M. de la Hire , qui la professe, avait remarqué qu’il était assidu à ses leçons, et ne le connaissant point d’ailleurs, il avait cru que c’était un homme qui songeait à avoir quelque fonction dans les bâtiments : il n’avait pas même jugé sur les apparences extérieures, que ces fonctions auxquelles il pouvait aspirer fussent fort relevées ; mais il fut extrêmement surpris, lorsqu’au renouvellement de l’Académie en 1699, tous les académiciens qui n’avaient point d’élèves en ayant nommé, il le vit paraître aux assemblées en qualité d’élève de M. Méry , et d’anatomiste.

La compagnie étant alors remplie d’un très grand nombre d’académiciens nouveaux, qui n’avaient pas des ouvrages prêts à produire dans les assemblées, ou ne s’en tenaient pas assez sûrs pour les exposer dans un lieu assez redoutable, M. Poupart fut le premier d’eux tous qui se trouva en état de parler, et qui en eût la noble assurance. Il lut un mémoire sur les insectes hermaphrodites 1 , qui fut d’un heureux augure pour la capacité de ceux d’entre les nouveaux venus que la plupart des académiciens ne connaissaient pas encore beaucoup.

On a vu depuis, dans les volumes que l’Académie a donnés pour chaque année, son histoire du Formica-leo 2 , celle du Formica-pulex 3 , ses observations sur les moules 4 , et quantité d’autres observations moins importantes , ou peut-être seulement plus courtes, répandues dans nos histoires.

Il tomba malade au mois d’octobre dernier, et mourut en peu de jours. On le croit auteur d’un livre intitulé La Chirurgie complète qui n’est qu’une compilation commode de plusieurs autres traités. Si cela est, on doit pardonner ce livre au besoin qu’il avait de le faire, et lui savoir gré en même temps de ne s’être pas fait honneur d’une compilation. Il a résisté à un grand nombre d’exemples, qui l’y pouvaient inviter.

Sa place d’élève de M. Méry a été remplie par M. Engueard, docteur en médecine de la faculté de Paris.

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1 V. les M. de 1669, p. 145.

2 V. les M. de 1704, p. 235.

3 V. les M. de 1705, p. 124.

4 V. les M. de 1706, p. 51.