Affichage des fac-similés à venir
Affichage des fac-similés à venir
[p. 117]
Camille d’Hostun naquit le 14 février 1652, de Roger d’Hostun, marquis de la Baume, et de Catherine de Bonne, fille et unique héritière d’Alexandre de Bonne d’Auriac, vicomte de Tallard. Sa naissance le destinait à la guerre, et encore plus son inclination. Il entra dans le service aussitôt qu’il put y entrer il fut maître de camp du régiment des Cravattes en 1668, c’est-à-dire à l’âge de 16 ans ; et en 1672 il suivit le roi à la campagne de Hollande. Nous supprimons un détail trop militaire des différentes actions où il se trouva pendant le cours de cette guerre, des blessures qu’il reçut nous ne rapporterons qu’un trait qui prouvera combien sa valeur et même sa capacité dans le commandement furent connues de bonne heure, et estimées par le meilleur juge que l’on puisse nommer. M. de Turenne le choisit en 1674 pour commander le corps de bataille de son armée aux combats de Mulhausen et de Turkeim.
Dans la guerre suivante qui commença en 1688, il eut presque toujours non seulement des commandements particuliers pendant les hivers, mais des corps d’armée séparés sous ses ordres seuls pendant les étés. Il commandait l’hiver en 1690 dans les pays situés entre l’Alsace, la Sarre, la Moselle et le Rhin, lorsqu’il conçut le dessein presque téméraire de passer le Rhin sur la glace, pour mettre à contribution le Bergstrat et le Rhingau, et y réussit. Il fut fait lieutenant-général en 1693.
Après cette guerre, terminée en 1697, l’Europe se voyait sur le point de retomber dans un trouble du moins aussi grand, par la mort de Charles II, roi d’Espagne . Toutes les cours étaient pleines de prétentions, de projets, d’es [p. 118] pérances, de craintes, et toutes auraient souhaité qu’une heureuse négociation eût pu prévenir l’embrasement général dont on était menacé. Ce fut pour cette négociation qui demandait les vues les plus pénétrante et la plus fine dextérité, que le roi nomma le comte de Tallard seul. Il l’envoya en Angleterre ambassadeur extraordinaire, chargé de ses pleins pouvoirs et de ceux du Dauphin, pour y traiter de ses droits à la succession d’Espagne avec l’empereur, le roi Guillaume et les états-généraux. Un homme de guerre fit tout ce qu’on aurait attendu de ceux qui ne se sont exercés que dans les affaires du cabinet, et qui s’y sont exercés avec le plus de succès. Il conclut un traité de partage en faveur du prince de Bavière en 1698 mais ce prince étant mort peu de temps après tout changea de l’are l’habileté politique du comte de Tallard fut mise à une épreuve toute nouvelle, et il vint à bout de conclure un second traité. Le roi lui en marqua son entière satisfaction en le faisant chevalier de ses ordres, et gouverneur du comté de Foix.
On ne sait que trop que la sage prévoyance des négociations fut inutile. Après la mort du roi d’Espagne , arrivée en 1700, la guerre se ralluma l’année suivante. Les ennemis ayant assiégé Keyservert en 1702, M. le comte de Tallard qui commandait un corps destiné à agir sur le Rhin leur en fit durer le siège pendant 50 jours de tranchée ouverte. Souvent pour ces chicanes de guerre bien conduites, il faut plus d’activité plus de vigilance plus d’habileté que pour des actions plus brillantes. Il chassa aussi les Hollandais du camp de Mulheim où ils s’étaient établis, et soumit Traerbach à l’obéissance du roi.
Il avait passé par toutes les occasions qui pouvaient prouver ses talents dans le métier de la guerre et par tous les grades qui devaient les récompenser, à l’exception d’un seul ; il l’obtint de la justice du roi au commencement de 1703, et fut fait maréchal de France. A peine était-il revêtu de cette dignité, qu’il vola au secours de Traerbach que le [p. 119] prince héréditaire de Hesse assiégeait avec toutes ses forces ; et il conserva à la France cette conquête qu’elle lui devait.
Dans la même année, il commanda l’armée d’Allemagne sous l’autorité de Mgr le duc de Bourgogne ; et après avoir tenu longtemps les ennemis en suspens sur ses desseins, il forma le siège de Brisac, et prit cette importante place. Le prince étant parti de l’armée, le maréchal de Tallard entreprit le siégé de Landau, place non moins considérable que Brisac. Les ennemis, forts de 30 000 hommes, marchèrent pour secourir Landau et le maréchal ayant laissé une partie de son armée au siège, alla avec l’autre leur livrer bataille dans la plaine de Spire, et les défit. Il leur prit 30 pièces de canon et plus de 4000 prisonniers. Landau qui se rendit le même jour, et la soumission de tout le Palatinat, furent les fruits incontestables de la victoire.
Les états ne peuvent pas plus que les particuliers se flatter d’une prospérité durable. L’année 1704 mit fin à cette longue suite d’avantages remportés jusque là par nos armes, et la fortune de la France changea. Une armée française, qui sous la conduite du maréchal de Villars avait pénétré dans le cœur de l’Allemagne, commandée ensuite par les maréchaux de Tallard et de Marsin sous l’autorité de l’électeur de Bavière, fut absolument défaite à Hochstet, le maréchal de Tallard blessé, pris et conduit en Angleterre, où il fut détenu sept ans. Le roi opposa ses faveurs aux disgrâces de la fortune ; et peu de mois après la bataille d’Hochstet, il nomma le maréchal de Tallard gouverneur de Franche-Comté, pour l’assurer qu’il ne jugeait pas de lui par cet événement ; consolation la plus flatteuse qu’il pût recevoir, et qui cependant devait encore augmenter la douleur de n’avoir pas en cette occasion servi heureusement un pareil maître. Quand il fut revenu d’Angleterre, le roi le fit duc en 1712 et ensuite pair de France en 1715.
Mais ces grands titres, quoique les premiers de l’état, sont presque communs en comparaison de l’honneur que le roi lui fil en le nommant par son testament pour être du [p. 120] conseil de régence. Ce testament n’eut pas d’exécution et M. de Tallard fut quelque temps oublié mais cette place qui lui avait été destinée, lui fut bientôt après rendue par M. le duc d’Orléans , et d’autant plus glorieusement, que ce grand prince si éclairé paraissait en quelque sorte se rendre au besoin qu’on avait du maréchal de Tallard . Enfin, sitôt que le roi eut pris en 1726 la résolution de gouverner par lui-même son royaume, il appela ce maréchal à son conseil suprême en qualité de ministre d’état. Comblé de tant d’honneurs capables de remplir la plus vaste ambition, il désira d’être de cette Académie ; il ne lui restait plus d’autre espèce de mérite à prouver, que le goût des sciences. Il entra honoraire dans la compagnie en 1723, et l’année suivante nous l’eûmes à notre tête en qualité de président. Après avoir commandé des armées, il ne négligea aucune des fonctions d’un commandement si peu brillant par rapport à l’autre et s’appliqua avec soin à tout ce qui lui en était nouveau.
Il avait une constitution assez ferme et il parvint à l’âge de 76 ans avec une santé qui n’avait été guère altérée ni par les travaux du corps, ni par ceux de l’esprit, ni par toute l’agitation des divers événements de sa vie. Il mourut le 29 mars 1728.
Il avait épousé en 1667 Marie-Catherine de Grollée de Dorgeoise de la Tivolière. Il en a eu deux fils dont l’aîné fut tué à la bataille d’Hochstet, et le second est M. le duc de Tallard, et une fille, qui est Madame la marquise de Sassenage.